1. Chroniques pénitentiaires d'une rebelle 1


    Datte: 28/11/2022, Catégories: Entre-nous, Les femmes, Auteur: Sappho, Source: Hds

    ... évidemment, autant dire que l’alourdissement des peines reste à la discrétion du chef d’établissement. Astucieux contournement du droit.
    
    – Bien monsieur.
    
    Jouer les fortes têtes ne m’apportera rien, autant me montrer réceptive, du moins dans un premier temps.
    
    – Je lis dans ce dossier que votre passe-temps favori est la lecture. Et bien arrêtez de fantasmer, Marvault, la bibliothèque est réservée aux détenues de droit commun, jamais une rebelle politique n’y mettra les pieds. En revanche, on manque de bras au service entretien, vous commencerez à gagner votre pitance demain. Considérez que vous êtes notre invitée aujourd’hui.
    
    Merci infiniment de cette marque de générosité, monsieur le directeur, j’essaierai de m’en souvenir quand vous et votre clique d’esclavagistes devrez rendre des comptes devant un tribunal populaire. Car l’addition se paiera un jour ou l’autre ; alors, c’est moi qui tiendrai le manche de la matraque.
    
    – Vous avez des questions ?... Bon, emmenez-là, reprend-il après m’avoir laissé moins de cinq secondes de réflexion.
    
    Curieux sens de l’humour avec ça, je me retourne entre les deux matonnes sans lui souhaiter une bonne journée. Faut pas exagérer.
    
    – Ah ! reprend le directeur visiblement aussi pète-sec avec le personnel qu’avec les détenues, mettez cette morveuse dans la cellule de Maillard, elle lui apprendra vite à respecter les règles.
    
    Privatiser le système pénitentiaire a offert à l’État, outre de substantielles économies, de pouvoir ...
    ... s’exonérer moralement devant la Cour internationale des droits de l’homme. La surpopulation carcérale est une caricature du passé, les prisons délabrées aussi ; les détenus bénéficient aujourd’hui de bâtiments régulièrement entretenus, d’une propreté quasi médicale, même la nourriture est qualifiée de bonne. En échange de tant de bonté, on leur demande de travailler, à l’œil bien entendu, pas question de filer un salaire aux mauvais sujets. La filière textile française a ainsi réussi à se relancer à moindre coûts.
    
    – Voici ton pieu, Marvault, lance sobrement la matonne. Après, je me fous de l’endroit où tu ronfles tant que tu es dans la cellule au réveil de 6 heures et demie.
    
    Punaise ! On dirait une chambre d’hôpital désinfectée sans les lits superposés le long des murs. Le beau-père devrait envoyer sa femme de ménage en stage de formation ici, cette garce apprendrait à astiquer autre chose que le manche de son maître.
    
    – Ta codétenue va bientôt rentrer du travail, elle t’expliquera tout ce qu’il y a à savoir sur la bonne marche de l’établissement. Bon, ajoute la gardienne cynique, fais comme chez toi, je te laisse t’installer tranquillement. À tout à l’heure au dîner.
    
    Si cette conne savait où elle peut se le mettre, son humour vaseux, mon retour devant le juge serait programmé avant la fermeture électrique de la cellule, un bruit qui va vite devenir familier. Je me retiens de fixer l’œilleton à la porte, certaine d’être observée, de peur que ce soit pris pour une ...
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