Les amants du crépuscule - Histoires de Sexe

Les amants du crépuscule

... n’est pas faute d’avoir essayé. D’avoir consulté. Gynécologues. Psychologue. Sexologue. La masturbation assistée, les petits compagnons électriques. Les tests en hôpital, un peu glauques. En vain. La médecine ne pouvait rien pour moi : la mécanique est complète, correctement assemblée, elle est lubrifiée comme il faut, fonctionne sans ratés ni douleurs pendant les rapports. Et elle est même nerveuse, grimpant vite et haut dans les tours. Simplement, arrivée dans la zone rouge, pas moyen de passer la surmultipliée… On m’a donc conseillé de vérifier le logiciel et le mode d’emploi.

Elle sourit un peu mélancoliquement, les yeux tournés vers l’angle de la pièce, revoyant manifestement ce qu’elle décrit.

— Je suis d’abord tombée sur une psy, qui refusait de m’écouter quand je lui disais n’avoir jamais encore subi à cette époque d’inceste, attouchements ou agression sexuelle.« C’est ce que vous voulez croire », disait-elle, en me recommandant une analyse, qui révélerait les traumatismes que j’occultais inconsciemment. Non merci. Elle ne me plaisait pas trop, un peu raide et docte, quand on attend un peu d’empathie. Ça ne lui avait pas échappé, et elle m’avait alors débité tout un laïus sur la distance nécessaire que doit garder le thérapeute, ce genre de choses. À la séance suivante, elle devait avoir changé d’avis. À peine franchie la porte, elle m’a fourré la main dans la culotte, en m’expliquant que ma frigidité était bien évidemment un refus du mâle, et une incapacité à ...

... accepter ma véritable identité sexuelle, qu’elle se proposait de révéler sur-le-champ. Quelle prétention ! Cette hypothèse, je l’avais déjà vérifiée très jeune avec une bien plus jolie et douce partenaire, et sans résultat plus concluant. En tout cas, la fameuse distance, c’est moi qui l’ai rétablie aussitôt, en la payant d’une gifle.
— Pas volée.
— Quant au sexologue, c’était un type adorable et bienveillant, dans la soixantaine. Il a proposé une méthode et des choses pleines de bon sens. En commençant par dédramatiser. Et quand nous avons fini par constater toute absence de progrès, il m’a posé la vraie bonne question : est-ce que ça m’empêchait réellement d’être heureuse et d’avoir une activité sexuelle agréable ? Et en fait non, pas du tout. Ce n’était pas de la résignation, mais de la sagesse. Tu comprends ?
— Je crois, oui.
— J’ai donc fini par abandonner les recherches, mais pas le sexe. Frigide, ça veut dire tout et son contraire. Le terme exact de ce dont je souffre est l’anorgasmie primaire. J’ai une vraie libido, du désir, je ressens une excitation sexuelle parfaitement normale, je prends du plaisir à pratiquer le sexe et j’aime en donner. Mais l’orgasme proprement dit, je ne l’ai jamais atteint.
— Jamais ?
— Jamais, je ne sais pas ce que c’est. Tu vois, on m’a donné la beauté, on m’a privée de la jouissance, il faut m’y résoudre, ce doit être ma nature. J’ai décidé que ce n’était pas si grave, et depuis lors, je le vis bien. Je le vivrais mieux encore s’il ...