1. Derrière la pluie


    Datte: 26/08/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... novembre.
    
    Il mangeait peu. Des pâtes, du chocolat en petites quantités. Il n’y avait plus de beurre dans le frigidaire. D’ailleurs il n’y avait rien puisqu’il était débranché. Qu’est-ce qui lui prenait de faire ce genre de choses ? La télé était allumée tout le long du jour et de la nuit. Il ne coupait pas le son en allant se coucher. Ça lui faisait du bien cette présence. Il aimait tout et rien en même temps, pouvait rester concentré deux heures devant un jeu ou un feuilleton policier sans se rendre compte que le temps passait. La vie dans les séries, c’était fascinant. Il était capable de regarder indistinctement une émission scientifique ou un show aseptisé de variétés. Ça n’avait pas d’importance, tout l’intéressait / rien ne l’intéressait. C’était ainsi depuis qu’il était enfant ; à la mort de son père, sa mère n’avait plus ni le temps ni l’argent pour s’occuper de lui. Très tôt, ça avait constitué sa principale source de distraction ; il y avait même appris beaucoup de choses. Géographie, histoire, sexe, violence ; un puits de vie.
    
    Le soir tomba tandis que les images d’un crash aérien au Venezuela tournaient en boucle sur une chaîne d’informations. Il regarda les spots à la suite, le même présentateur, les mêmes séquences enregistrées jusqu’à la prochaine édition. Il se surprenait à guetter les instants plus intenses de l’émission. Au bout d’un moment il se lassa, avala ses antidépresseurs. La fatigue vint d’un coup, comme en attente du signal chimique. L’idée de ...
    ... retourner dans sa chambre l’angoissait, rester sur le canapé lui semblait plus approprié. Est-ce qu’il n’était pas mieux ici, avec les lumières de la ville, dans le ciel noir, en son sein même ?
    
    Son rythme cardiaque ralentit, il bascula dans les limbes.
    
    Il se réveilla au même endroit que la veille, dans la salle de bains, sur le carrelage froid. Il lui fallut du temps pour réaliser, se relever, laisser s’enfuir le vertige. Le crépitement des néons quand il les alluma lui lézarda l’échine. Il était comme un spectre dans la glace, quelque chose d’intangible ; bientôt il serait transparent.
    
    Il revint dans le salon, des questions tempêtaient sous son crâne, des interrogations légitimes. Que se passait-il en lui ? Pourquoi ressentait-il ce besoin de bouger la nuit ? Qu’est-ce qui tenait son sommeil ? Pourquoi ressentait-il ce malaise depuis des semaines ?
    
    Ça ne pouvait être L, pas seulement.
    
    Il se répétait cette phrase encore et encore, la murmurait à la nuit. Il devait y avoir quelque explication plus complexe tapie sous les fils de la logique. Une simple histoire d’amour ne pouvait rendre les êtres ainsi apathiques et désespérés. Désespérés… C’était la première fois qu’il acceptait ce mot. Ça lui semblait logique, indubitablement cohérent.
    
    Quelqu’un devait pouvoir l’aider. Mais qui ? Le jour se leva sur son angoisse, la vie reprit son cours. La ville lui donnait de la force, comme du sang dans ses veines. Il aimait la voir bouger, ça avait du sens.
    
    Il appela ...
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