Derrière la pluie
Datte: 26/08/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... en discernait les contours dans le halo vaporeux que dessinait la télé toujours allumée, seule luminescence palpable depuis le couloir. Il revint dans le grand salon. La ville s’était assoupie, mais d’autres comme lui ne dormaient toujours pas. Les chiffres rouges dansèrent un court moment devant ses yeux. Le radio-réveil indiquait : 2 h 27 ; le radio-réveil indiquait : « Tu as peu dormi et tu n’es plus fatigué ».
Il se laissa choir dans le canapé. Regarda les boîtes de calmants alignés sur la table. Qui lui avait prescrit ceux-là ? Certaines fois, il ne parvenait même plus à se souvenir du nom de son médecin. Médecin, son ventre se serra. Il était anxieux soudain, sans bien savoir pourquoi. Lumière blanche. De la neige sur le sol. De la neige ? Il secoua la tête, porta son attention sur la télévision. Un chasseur tirait un lièvre. Sans le son, il avait l’air content.
Le lendemain, il décida de ne pas aller au travail. Ça n’étonnerait personne, ça le surprenait simplement, lui, de ne pas y avoir songé avant. Il passa un coup de fil à sa responsable, Mme S, tomba sur sa boîte vocale, laissa un message fuyant ; il s’excusait pour le dérangement, ferait suivre un certificat médical, ne savait pas encore quand il reviendrait, ça dépendrait de ce que dirait le médecin justement. Il ressentit un vague soulagement en raccrochant lâchement, une forme de contentement ; une bonne nouvelle en somme. Ça remontait à loin ce petit plaisir, l’école buissonnière, l’envie d’une autre ...
... voie, celle qu’on ne prenait jamais vraiment. Mais ce matin, il s’en sentait capable, ou plutôt, pour être exact, il se sentait parfaitement incapable de se rendre au travail. Ce qui, en fin de compte, n’était pas du tout du même acabit.
Il repensa à L ; à bien y réfléchir, tous les deux n’avaient vraiment rien en commun. Mais c’était une chance pour lui, une perspective de vie qui s’était évanouie en même temps qu’elle posait ses lèvres sur sa joue et que sa silhouette s’éloignait dans le couloir. Et lui qui la regardait sans rien dire, à quêter des mots à son esprit qui immanquablement s’entassaient dans le fond de sa bouche. Il aurait dû lui dire, tenter de la rattraper, l’accrocher par le bras, lui serrer la taille. Il était tellement difficile de communiquer avec les autres, même avec elle, surtout avec elle.
Une première journée s’écoula, la nuit s’installa.
Il avait commencé depuis presque deux mois un livre de Victor Hugo, « L’homme qui rit » ; il aimait bien, trouvait le style un peu empesé, les descriptions surtout qui pouvaient prendre des pages et des pages, mais il y avait quelque chose de temps à autre qui touchait son âme. C’était une voie à creuser. Le livre était lourd, gros, consistant, il en lisait trois pages la plupart des soirs avant de se coucher. Il se disait, C’est un génie, oui, c’est ça le génie. Ensuite, il s’endormait.
Le programme ne varia pas cette nuit-là. Il veilla tard, à regarder son écran de télé consumer l’air autour de lui, puis ...