Derrière la pluie
Datte: 26/08/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... venait du ventre ouvert d’un cadavre ».
Il avait souvent eu du mal à dormir, en proie à des irritations, son esprit piqué au vif par quelque contrariété. Cela allait, cela venait. C’était, comme il était convenu de l’appeler, à l’instar des migraines, une forme épisodique, un mal incertain. Petit déjà, quand les nuits étaient trop chaudes, il ne fermait pas l’œil. Une nature prompte à l’oppression, un gringalet asthmatique et nerveux. En grandissant, il avait refusé d’admettre que ces maux psychologiques traduisaient certainement une grande inquiétude intérieure qu’il serait bon d’évacuer. Il récusait les termes de cette science, n’envisageait pas une longue et fastidieuse psychothérapie qui le rendrait fragile, dépendant. Et puis, il avait déjà donné longtemps auparavant. Pour le reste, il s’était démené comme tout un chacun pour oublier sa misérable existence, avait pris des cuites, fumé de l’herbe, l’âge aidant s’en était ouvert aux antidouleurs, aux anxiolytiques, puis aux antidépresseurs.
L’arrivée de L dans sa vie avait été un baume sur un mal qu’il refusait d’admettre. De façon empirique donc, il avait décrété qu’il vivrait mieux avec elle que sans. Les bonnes choses étaient ainsi faites qu’il n’était point besoin de questionnement pour savoir qu’elles vous faisaient du bien. Ce qui était certain aussi, c’était que le jour où elles nous étaient enlevées, le mal d’autrefois revenait avec une force symétriquement virulente au temps duquel la bonne grâce nous fût ...
... offerte.
Quand L l’avait quitté, le sporadique était devenu chronique. Littéralement son corps et son âme lui avaient échappé.
Quand la nuit venait, il avalait deux bâtonnets d’anxiolytiques ; la chimie faisait le reste. Ça lui permettait de dormir, pas autant qu’il aurait fallu, pas autant qu’il ne l’aurait souhaité ; mais assez pour ne mourir ni de chagrin ni de fatigue. Ensuite il se levait, prenait une douche, avalait du café, beaucoup de café – qu’il vomirait plus tard –-, et se rendait au travail où sa silhouette dégingandée et défraîchie n’attirait même plus les regards. Depuis combien de temps cela durait-il ? Était-ce que ça avait commencé avant L ? Il ne parvenait pas à s’en souvenir. Il y avait un masque flou sur ce qui avait précédé l’incident ; puisque c’était ainsi qu’il nommait le départ de L. À vrai dire, il y avait un flou également sur ce qui avait suivi l’incident.
Il s’endormit sur le canapé. La télé bourdonnait faiblement, des images d’archives peignaient de leur rythme saccadé le visage de X. Ses yeux se fermèrent doucement ; il se sentit porté vers de sombres rives. Une douceur opaque, une impression de hauteur aussi. Le sommeil le cueillit, et comme tous ceux qui en connaissaient le prix, il s’y agrippa avec force.
Tout devint noir.
Il s’éveilla dans le couloir, effaré. Le sol froid lui rentrait dans les côtes, comme s’il était resté un long moment en appui dessus. Il se releva lentement, la tête lourde. La nuit était toujours présente, il ...