1. La Vie de Solange, ou les mémoires de la Comtesse de *** (9)


    Datte: 11/10/2022, Catégories: Partouze / Groupe Auteur: Mir, Source: Xstory

    Une courte cérémonie était prévue pour le domestique. Le Comte, qui s’était absenté – officiellement pour affaires, officieusement pour fuir mon regard, voire celui de ses gens – n’honorerait pas le défunt de se présence : à moi donc de le représenter, même si rendre hommage à cet homme me déplaisait fort. Toutefois, ayant depuis longtemps l’habitude de me conformer aux apparences tout en gardant ma liberté de pensée, peu m’importait.
    
    Une belle surprise m’attendait au matin : l’arrivée imprévue de mon cousin. Il avait fait voyage la veille mais ne se présentait qu’aujourd’hui au domaine, frais et joyeux, « pour mieux profiter de votre lumineuse présence, ma douce cousine. »
    
    La tenue d’une cérémonie funèbre ne le perturbait pas, il proposa au contraire de me tenir compagnie en « cette journée de deuil. » Les regards accompagnant son offre rappelaient sans équivoque le lien entre Eros et Thanatos, l’amour débridé et la mort.
    
    Autre surprise : la cérémonie. Elle se tenait en la chapelle du domaine, où officia, contrairement à l’usage, le prêtre d’une terre voisine. Le nôtre, plus jésuite que croyant, accompagnait le Comte dans ses déplacements en raison de son talent exceptionnel pour tirer profit financier des naïfs avec lesquels commerçait mon époux – et, disait-on aussi, en tirer un profit physique. Je m’attendais à une homélie banale et rapide. Mais au contraire, le prêtre venu pour l’occasion se surpassa. Je croyais entendre une des fameuses oraisons de Bossuet, ...
    ... dont la renommée perdurait encore en notre siècle.
    
    L’homme, vêtu d’une aube sans apprêt et d’une chasuble fort sobre dessinant une silhouette élancée, se dressait dans la pénombre de la chapelle et fixait sur la maison assemblée un regard profond. Ses gestes, mesurés, rythmaient lentement son discours, qui fit volter sous nos yeux des siècles de poussière réduisant vie et lumière à néant face à l’immensité et la volonté du Créateur. Qu’était un rejeton d’Adam parmi des milliers d’autres, dans le mouvement perpétuel de la naissance et de la mort ? Mais que serait aussi ce monde sans la vie de chacun, si modeste soit-il ? Vanité des grands toisant le peuple, vanité du peuple agissant comme si demain était certain, vanité de l’humanité bruissant, remuant et vivant ardemment en oubliant sa destinée mortelle…
    
    Subjuguée, bien que reniant le Dieu dont il était question ici, je laissais les mots, les gestes et ce regard m’emporter.
    
    Mon cousin me serrait discrètement la main, de temps à autre, et profitait des moments où la voix puissante du prêtre enflait, emplissait les voûtes de la chapelle et dominait nos têtes courbées, pour me glisser que sa vanité viendrait bien se loger en moi, et comment.
    
    Prise entre la magie du verbe religieux et la sensualité de mon cousin, je passai un moment délicieux.
    
    La cérémonie s’acheva sur un assez traditionnel «De profundis, clamo ad te, Domine », le prêtre nous invitant à nous tourner vers le Seigneur. Je me tournai donc, par dérision, ...
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