1. Merci docteurs


    Datte: 15/09/2022, Catégories: fh, hplusag, Collègues / Travail amour, pénétratio, prememois, extraconj, diffage, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    Il portait beau le docteur Verrat, parcourant les rues du gros bourg de Saint Porcin d’un pas alerte, sa mallette de cuir dans une main et dans l’autre sa canne, sa longue silhouette sanglée dans une redingote dont il raffolait, chapeau sur le crâne et moustache affûtée. Il entretenait une passion admirative pour Napoléon III, cet empereur mal aimé essentiellement à cause du verbiage rouge et calomnieux de Victor Hugo, mais qui représentait pour lui le seul dirigeant visionnaire ayant fait faire au pays un bond prodigieux vers la modernité. Qui d’autre pouvait se targuer d’avoir en quelques décennies multiplié par six les voies de chemin de fer, créé les grands boulevards et les grands canaux avec Haussmann et De Lesseps ?
    
    Aussi en portait-il la moustache et la barbichette pointue, et il aurait bien encore porté un haut de forme, mais il n’en trouvait plus. Le grand bonhomme inspirait le respect et ses coups de canne étaient redoutés. En fait, ce n’était qu’une légende, une fable racontée aux enfants pour les faire tenir sages, et la canne en question ne servait qu’à dissimuler la seule faiblesse de Verrat, son goût immodéré pour les cigarettes anglaises qu’il enfilait dans le tuyau d’acajou, le pommeau d’argent à secret recelant un briquet.
    
    Ainsi, chaque matin, le docteur arpentait la ville pour effectuer ses visites, grondant ceux qui auraient pu se déplacer à la consultation, mais n’hésitant pas à revenir gracieusement à plusieurs reprises pour les cas les plus ...
    ... délicats. Vers midi, il regagnait du même pas alerte son cabinet, qui était en même temps son domicile, une grande maison bourgeoise située en plein bourg et entourée d’un parc agréable. Tout le rez-de-chaussée, pourtant vaste, était réservé à son activité professionnelle. D’un côté du hall, un salon servait de salle d’attente, de l’autre, son bureau aux murs tapissés de livres savants était strictement meublé en style Napoléon III et se prolongeait dans l’ancienne cuisine par une salle de consultation aux aspects d’hôpital, faïence blanche aux murs, vitres opaques aux fenêtres et mobilier métallique immaculé. Une autre porte en enfilade donnait sur une salle consacrée à la radiologie, avec un équipement du dernier cri et se poursuivait encore par une véritable petite salle d’opération où il pouvait pratiquer quelques interventions bénignes dans les meilleures conditions d’asepsie.
    
    Verrat vouait à son métier tous les moyens intellectuels et financiers dont il disposait, convaincu d’apporter au sein de cette bourgade rurale le meilleur de la médecine, de la même qualité que dans n’importe quelle grande ville. Et les patients savaient bien le reconnaître, se pressant en masse dans son cabinet, de treize heures trente à dix-neuf heures. Malgré cette charge quotidienne intense, à aucun moment le médecin ne doutait de sa vocation ni de son efficacité.
    
    La seule à pouvoir s’en plaindre aurait été Eugénie, son épouse, blonde accorte au fort joli minois. D’origine alsacienne, mais ...
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