Quarante méduimètres
Datte: 14/08/2022,
Catégories:
fantastiqu,
amour,
revede,
caresses,
Oral
conte,
Auteur: Serafin, Source: Revebebe
Mélisse verrouille la porte de sa boutique, la tête enfoncée dans les épaules pour échapper aux bourrasques glacées. À nouveau, aucune vente. L’unique client de la journée s’est contenté de regarder les reliques de l’Ère des Excès – lampes, grille-pains, pompes à vélos, montres et autres objets disparus, qu’elle remet en état. Cette boutique d’antiquités, à la porte vétuste, est l’unique héritage de son père. Si tant est qu’on puisse nommer « héritage » un magasin ne permettant pas de gagner cinq sacs d’orge à la semaine.
Mélisse soupire, tourne les talons et remonte la ruelle. Le vent s’engouffre violemment entre les hauts bâtiments de bois. À défaut de clients, elle a eu le temps d’essayer de refaire marcher la montre du grand-père : une belle montre au bracelet de cuir craquelé par le temps. Une saleté de montre fonctionnant avec une pile de tension inhabituelle, trente-cinq ou quarante méduimètres à vue d’œil expert. Alors que tous les méduines font entre quatre-vingts et cent trente méduimètres. Mélisse a bricolé un convertisseur de tension de toutes pièces – la boutique d’antiquités a du bon. Mais lorsqu’elle a tenté de recharger la pile de montre via le convertisseur, ce dernier a tout bonnement explosé. Sûrement un court-circuit quelque part.
La fin du jour baigne d’une lumière désolée les façades de bois se serrant le long de la ruelle. Mélisse s’enfonce dans la neige jusqu’aux mollets, bénissant ses bottes fourrées, attendant avec impatience d’arriver à la ...
... maison. La maison, c’est ce grand appartement au premier étage où elle a toujours vécu, et qu’elle devra bientôt quitter faute de pouvoir honorer le loyer. Elle tourne à l’angle de la boutique et s’engage dans la rue principale du village de Sjensk. Il lui faut acheter du bois avant de rentrer ; le poêle en faïence en consomme un bon cabas par semaine en cette saison. Un banc de méduines flotte péniblement à quelques centimètres du sol, au milieu de la route de terre battue. Leurs tentacules sont recouverts de jambières de fourrure et leur chapeau, semblable à celui des méduses, d’une toque. Malgré cela, elles semblent engourdies, abruties par le froid. Le brûleur, situé entre les tentacules et sous le chapeau de chaque méduine, leur permet de flotter dans l’air à la façon d’une montgolfière. Et accessoirement, de ne pas geler.
Le banc de méduines nomades remonte lentement la ruelle. Aucun humain ne semble intéressé de troquer la recharge d’une lampe-torche ou d’une batterie multifonctions (luxe extrême) contre quelques billes de bois pour leur brûleur ou un peu de nourriture. Les quelques humains de la rue se pressent de rentrer chez eux, à l’abri du blizzard, où les attend une soupe chaude. Un petit méduine, bien plus petit que les autres, se traîne difficilement à la suite du groupe. Son brûleur semble sur le point de s’éteindre, ses tentacules frôlent déjà la couche de neige. Ses grands yeux d’onyx expriment une lassitude infinie.
Le manque de solidarité des méduines ...