À Paris - Histoires de Sexe

À Paris

... commencé les leçons de conduite. Moral en berne, je m’apprête à rentrer sans hâte, retardant le moment de retrouver Béa. En passant près de mon ancien bahut, je tombe sur un petit attroupement, une file d’attente en fait, devant un boui-boui étrange nommé « T’as la dalle ? » Ben oui, tiens, j’ai la dalle et je me colle dans la file. Que des jeunes, des lycéens essentiellement, mais quelques ouvriers en bleus. Derrière moi, arrivent ensuite quelques gens de bureaux, secrétaires, jeunes cadres. Et pour cause, ici tout est à cinq euros : sandwiches, assiettes de pâtes, salade composée, au choix avec un verre d’eau. Quand arrive mon tour, je reconnais deux anciens copains de collège et de lycée derrière le petit comptoir. On se fait coucou, mais ils sont en plein coup de feu.

— Si t’as un peu de temps, on sera plus libres vers quatorze heures.

Je me pose dans un coin de terrasse avec un sandwich et un verre d’eau, et je regarde le défilé incessant pratiquement jusqu’à treize heures trente. Incroyable comment ça marche. J’ai vu passer plus d’une centaine de personnes et il y en avait bien autant avant moi. Beaucoup repartent immédiatement avec leurs sandwiches, certains apportent même des boîtes en plastique pour se les faire remplir et repartent avec. En plus c’est assez bon : pain croustillant, jambon goûtu, petite feuille de salade, rondelle de tomate, lamelle de fromage, très bien. L’un des copains vient me retrouver, en sueur.

— Bon, ça y est, ça se calme. ...

... Comment vas-tu ? Que deviens-tu ?

Je raconte brièvement, il fait une tronche admirative.

— Ben dit donc ! T’étais déjà un bon, toi. C’est pas étonnant. Nous, on a toujours été cossards, alors on a tout raté. Pourtant maintenant, qu’est-ce qu’on bosse !
— Oui, je vois, ça a l’air de marcher votre affaire…
— Ah du feu de dieu ! On dirait qu’on nous attendait. Et puis on se fait des couilles en or…
— Ah oui ?
— Attends. Le local est prêté par la mairie pendant un an, un jeune adjoint chargé de lutter contre la désertification du centre-ville. Si dans un an on fait du bénef, alors on paiera un petit loyer. On met tout à cinq boules, mais il n’y en a que deux de marchandise. Avec les fluides et autres, ça nous coûte deux cinquante. La culbute en marge. Tu multiplies ça par deux cents à peu près le midi et une centaine le soir. On fait des soirées thématiques, des crêpes, avec des potes qui viennent gratter une guitare. Compte, on est quatre avec ma copine et Francky avec la sienne, ben on se tire deux mille cinq par mois chacun, c’est à dire cinq mille par couple, et il en reste autant pour payer les charges, l’URSSAF et tout le bordel.
— Hé ! Pas mal ! En plus c’est bon ce que vous faites.
— Ça, c’est notre force. On pourrait gratter sur la marchandise pour augmenter la marge, mais on aurait moitié moins de monde. Et comme on achète en quantité, on tire les prix. Le petit boulanger qui fait nos baguettes à longueur de nuits, il ne nous les fait pas à un euro, mais à ...