Une petite Bastille ? - Histoires de Sexe

Une petite Bastille ?

... souvent, il fallait sauter sur l’occasion. Enfin, laisser l’occasion me sauter dessus, si je puis dire. Bref. Mais en même temps, à trop faire la fine bouche, je risquais fort de me retrouver seul ce soir entre mes draps roses. Il fallait donc l’aborder, c’était la dure loi de la réalité. Pas de swipe sur le terrain. Il faut faire avec ce qu’il y a. Right now ! Et là, il fallait bien avouer qu’il y avait de l’enjeu. Ce petit minois éperdu méritait, que dis-je, exigeait que je donne le meilleur de moi-même. Je cherchai une phrase d’approche lorsque soudain, trois jeunes filles lui sautèrent dessus.

— Excuse me ! ! Do you know la Bastille ? prononça une petite brune un peu courte, mais ravissante entre deux éclats de rire.

Ses deux comparses la suivirent et eurent tôt fait d’entourer le jeune homme qui dès lors était cerné de toute part.

— We are looking for it. We’ve been already walking for HOURS !

C’était tout bonnement insupportable. À une seconde près, il était à moi. Et là, il gloussait stupidement en indiquant aux trois Américaines qu’elles se trouvaient justement à la Bastille (jubilation), qu’elles n’auraient pas à marcher plus longtemps (soupirs d’aise) et qu’elles devraient aller à la terrasse supérieure où la vue était à couper le souffle (gémissements d’enthousiasme). Le tout évidemment prononcé dans un anglais parfait agrémenté d’un accent français outrageusement appuyé. Il était évident qu’il mordait à l’hameçon, et plutôt deux fois qu’une. Voire ...

... plutôt trois fois qu’une, si vous voyez ce que je veux dire. Il avait déjà laissé plonger deux fois son regard dans le décolleté de la brunette lorsqu’il leur proposa même de les accompagner. Explosion de joie. Tout était foutu.

Un violent accès de déprime m’envahit. Je repartis en marchant, puis en courant mollement dans la descente. Une vraie feuille morte. Et je ne verrai ni l’or du soir qui tombe ni les voiles, enfin tout ça. J’étais devenu vieux gros et moche. Je ne pourrai plus jamais plaire à personne. À vrai dire, j’aurais dû rester avec ma copine. On se serait mariés, on aurait fait construire. Je serais propriétaire d’une 308 sw Gt Line. Mort à l’intérieur, mais avec option Bluetooth, ça aurait été mieux que rien. J’en étais là de mes réflexions lorsque le miracle se produisit.

Le miracle fut blond châtain. Il me dépassa dans la descente à la faveur d’un élargissement du chemin :

— Salut !
— Salut !

Ma surprise était totale.

— Excuse-moi, mais j’ai l’impression de t’avoir déjà croisé quelque part.
— Ah ? Euh… Je sais pas !
— Tu cours souvent ici ?
— Ouais, régulièrement, peut-être une fois par semaine.

Gros mensonge.

— Ça doit être ça, alors. J’ai dû te voir en courant. Un moment, j’ai cru qu’on bossait au même endroit.

Cinq secondes s’écoulèrent durant lesquelles il me sourit en silence. Cheveux longs et fins ramenés en arrière dans une sorte de man bun. Boucle d’oreille dorée à droite, tee-shirt manche longue technique, legging noir avec ...