1. Une belle et un râteau


    Datte: 24/04/2022, Catégories: fh, Collègues / Travail amour, caresses, mélo, rencontre, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... à faire peur. Je me suis aperçu que je n’avais rien mangé du week-end, la boule était descendue de la gorge dans l’estomac. Pas faim. Et toute la semaine, j’ai été « chiantastique » au boulot. Quatre collaboratrices sont sorties de mon bureau en pleurant et j’ai engueulé trois employés, dont mon chef d’atelier. Tout ça pour me retrouver seul avec ma douleur ce vendredi soir, seul dans les locaux désormais vides, seul pour un terrible week-end encore, vidé, sans forces ni envies, rien que le vide.
    
    Toc-toc-toc ! Trois coups discrets à ma porte. Je n’étais pas encore tout à fait seul, donc.
    
    — Entrez !
    — Monsieur le Directeur, je vous apporte l’état des comptes au 30 octobre comme chaque mois, et puis un parapheur d’envois de règlements.
    — Merci, Caroline, posez ça là, je m’en occuperai lundi. Mais dites-moi, vous travaillez tard pour un week-end.
    — C’est que… j’aime bien que tout soit net avant de partir, surtout en fin de mois. Quand rien ne traîne, je n’ai pas besoin de penser au boulot tout le week-end.
    — Sage raisonnement. Bon week-end.
    — Merci, Monsieur. Je n’ose pas vous souhaiter la même chose… ça n’a pas l’air d’aller…
    — Non, il y a des moments difficiles dans la vie…
    — Rien de… très grave, j’espère ? Je veux dire, pas de décès dans votre famille ou quelque chose ?…
    — Non, même pas. Vous avez raison, au fond. Ce n’est pas si grave…
    — …
    — Peine de cœur, si vous voulez tout savoir. Allez, filez vite. Je vais mettre l’alarme.
    — Je… je ne suis pas psy ou ...
    ... quoi que ce soit, seulement comptable et muette comme une tombe. On dit que ça fait du bien de parler à quelqu’un. À tout bout de catastrophe on entend ça : oraliser, mettre des mots sur les événements, extérioriser ses souffrances, pour « faire le deuil »…
    — Mouais, je sais pas. J’aurais surtout besoin de boire un bon coup.
    — Oui, mais de manger aussi. Pardon de vous le dire, mais vous êtes cadavérique…
    — Oui je sais. Je… je me sens tellement mal que m’occuper de moi est au-dessus de mes forces…
    — Je comprends, ça m’est arrivé dans d’autres circonstances. Je descends et je vous attends sur le parking. Vous me suivez ou vous ne me suivez pas, c’est comme vous le sentez.
    — Je ne veux pas vous ennuyer et voler votre temps avec mes problèmes.
    — Pas du tout. Si je vous le propose, c’est de bon cœur et ça ne me dérange nullement. Personne ne m’attend et je ne manquerai à personne.
    — C’est très gentil de votre part, mais… Oh puis après tout, pourquoi pas. J’arrive.
    
    Il ne manquait plus que ça. Dans quoi est-ce que je m’embarque ? Caroline… Caroline « Muraille », elle devrait s’appeler. Une pauvre fille couleur des murs, tellement discrète et effacée. Étonnant qu’elle ait eu le courage de me faire cette « invitation ». Des tifs gras tombant en rideau chasse-mouches sur son visage, de grosses lunettes teintées, un gilet du style « Le père Noël est une ordure » sur des vêtements larges. Peu importe, elle est au moins gentille, elle, et efficace dans son boulot. Et revoilà ...
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