1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... des hommes en blouse blanche erraient comme des somnambules dans un joli jardin anglais. En définitive, se disait Adrian, il appréciait la vue. Plus encore maintenant qu’on l’avait délesté de ses liens et réduit sensiblement les doses de médicaments. Un soleil pâle rasait la cime des arbres, il y avait de beaux éclats de lumière, l’hiver commençait à mourir lentement. Depuis le couloir, de la musique s’insinuait dans les chambres. Connaissait cette voix, mais pas le morceau.
    
    Putain, c’était quand même pas George Michael ? Incroyable. « Le monde change », pensa-t-il. « Les gens changent. Je peux changer. »
    
    Et puis vint le tour de U2. Celui ou celle qui écoutait la radio monta le volume.
    
    Belle guitare, belle voix, belle mélodie. Sûr que ça allait vendre un paquet.
    
    Sacré refrain, rien à dire. Adrian éprouva un léger tiraillement dans le ventre. La jalousie / L’envie. Il avait déjà ressenti ça auparavant. Des titres d’Echo and the Bunnymen, des titres des Chameleons. U2, il fallait bien le reconnaître, c’était universel. Les gars avaient une facilité à pondre des titres imparables, tellement efficaces. Lui n’en était pas capable. Il avait fait une croix dessus, s’était résigné à suivre son inspiration sans tenter de la ramener sur des sentiers plus fréquentés. Voilà, c’était dit et bien dit, d’autres s’en étaient de toute façon régulièrement chargés pour lui. Presse, labels, agents. The Sound, l’avatar de la non-reconnaissance, le prototype du putain de ...
    ... sous-groupe culte. Continuer, c’est tout ce qu’il lui restait. C’était ça ou mourir de toute façon.
    
    Mais mourir ne lui faisait pas peur, et souvent il envisageait la fin comme un remède idéal, un possible recours qui répondrait à toutes les foutues problématiques qui polluaient son existence.
    
    *
    
    Les sessions deThunder Up reprirent. Sur la salive, on y allait à l’économie. Max et Michael ne s’adressaient plus la parole. Adrian n’ouvrait la bouche qu’à intervalle très espacé, comme un mauvais robinet soumis à la vindicte d’une micro fuite. Ça ne les empêchait pas de produire quelque chose de bon et d’intéressant, pensait Nick Robbins en ajustant le volume de la basse de Graham. Au final, cette orientation plus claire, ce rock blanc n’était pas si désagréable et somme toute, il était peut-être temps de trancher avec les oripeaux Cold Wave, qui pour le coup les avaient laissés dans l’ombre tout ce temps.
    
    — Mets-toi dans la lumière, Adrian, lâche la bride, donne-nous de la chaleur, gueula-t-il tandis que le groupe faisait un break.
    
    L’un de ses assistants fixait le poste de télévision placé dans le couloir par l’entrebâillement de la porte. Thatcher et Reagan à Camp David. Sourires, flashs, chignon post apocalyptique. L’apprenti rouquin cracha : « C’est pas vrai qu’elle va gouverner jusqu’à cent vingt ans. Elle est pas humaine. C’est un robot. »
    
    Reagan et Thatcher se donnèrent l’accolade. Le rouquin rigola. « Cherchez la femme », dit-il à haute voix en bon français.
    
    — ...
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