1. La légende du cavalier noir


    Datte: 12/08/2018, Catégories: alliance, vengeance, nonéro, historique, aventure, contes, Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe

    ... pour le chevalier bien plus précieux que ce paradis dont beaucoup parlaient, mais dont personne n’avait jamais prouvé l’existence.
    
    De quinze ans son aîné, Pharamond, à presque 50 ans, avait encore l’œil vif et la moustache frémissante de sa jeunesse. La courte barbe qu’il portait au menton avait blanchi mais ne l’avait pas empêché de garder son esprit rebelle ; et s’il courait désormais moins vite, il compensait en partant désormais suffisamment tôt pour arriver à l’heure à ses rendez-vous. D’autant plus que, comblé comme il l’était en amour, il n’avait plus besoin d’être en avance comme par le passé à ses rendez-vous galants.
    
    Il chevaucha toute la journée pour arriver le soir dans la demeure de son père. La comtesse l’accueillit chaleureusement aux portes du château comme à son habitude, mais Pharamond aperçut derrière elle le marquis de Cessac, et cela lui déplut. Il n’aimait pas cet homme qu’il jugeait aussi sot que vaniteux.
    
    Le repas du soir fut empli de gravité. Le chevalier s’enquit :
    
    — Mon père ne se joindra pas à nous ce soir ?
    — Le pauvre homme est bien incapable de se tenir à table, Pharamond, expliqua la comtesse.
    — Incapable de manger ?
    — Il mange, certes… mais uniquement des bouillies que nous lui faisons préparer à part et que je lui apporte tous les soirs.
    — Si vous permettez, Madame, je les lui apporterai moi-même, tout à l’heure.
    — Avec plaisir, chevalier : je pense qu’il sera heureux que ce soit vous.
    — Je l’espère. Hélas, je n’ai guère ...
    ... l’occasion de voir mon pauvre père, et des affaires urgentes me forcent à retourner chez moi dès la fin de la soirée. Dites-moi, Hortense, vous avez changé tout le personnel du château…
    — La plupart sont partis. Ils étaient attachés à votre père, et le voir dans cet état leur était insupportable.
    — Je comprends… Et vous, Monsieur de Cessac, qu’est-ce qui vous amène par ici ? Nous n’avions guère eu la joie de votre présence, les années passées.
    — C’est que madame la comtesse est parfois bien seule, Monsieur.
    — Certes… Un vieillard impotent et muet et quelques domestiques permettent rarement aux beaux esprits de s’épanouir. J’imagine qu’en ces temps difficiles, le vôtre lui permet de se divertir.
    — C’est cela, chevalier… l’esprit. Et la chasse, bien sûr.
    — Vous chassez, Madame ?
    — Et comment ! répondit Cessac en s’essuyant la bouche avec vulgarité sans laisser répondre la comtesse ; vous la verriez charger le sanglier, vous seriez surpris.
    — Diable, Madame, je ne vous connaissais pas cette passion. Il est vrai que mon père déteste la chasse.
    — Votre père, Pharamond, était un esprit subtil et sensible.
    — « Est », Madame…
    — Pardon ?
    — Vous avez dit « était » ; mais je doute que sa paralysie lui ait ôté cette sensibilité et cette intelligence dont il savait tant dispenser ses proches.
    — Sans doute avez-vous raison… Hélas, nul ne peut aujourd’hui en avoir la certitude.
    — Eh bien, si vous permettez, Madame, je vais lui monter son repas. Je vous laisse aux brillantes ...
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