1. Duo de pianos pour une sardine


    Datte: 10/08/2018, Catégories: ff, amour, humilié(e), fdanus, Auteur: Isilwen, Source: Revebebe

    ... j’aurais éjaculé mon mépris sur son visage, tout comme elle m’éclabousse avec le sien quand elle commente : « T’as joui vite ». Là, j’ai toujours envie de lui répondre : « Je voulais en finir rapidement ». Mais je me tais en me retournant contre le mur, triste d’avoir encore suicidé une part de mon être.
    
    Je le sais, si je l’avais traitée comme ça, elle aurait aimé. Car, même dans mes fantasmes tordus, je l’aurais fait à sa demande. Je l’aurais fait avec cette incompréhension au fond du ventre, la même que j’ai quand ce ne sont que mes doigts qui ravagent sa chair.
    
    — Allez, viens ! dit-elle.
    
    Je suis debout au pied du lit, perdue, honteuse. Que suis-je devenue ?
    
    Avec un peu de doigté, les plus beaux sentiments peuvent être pervertis. Par amour, on peut tout. Même s’oublier. Elle est heureuse comme ça, moi je m’étouffe avec les mots que je n’ai plus le droit de dire. Elle n’en veut plus. C’est comme si elle ne voulait plus de moi.
    
    Je croyais que ce n’était qu’un jeu amoureux plus épicé. Puis c’est devenu une habitude. Puis une obligation. Une nécessité. Enfin, la seule chose autorisée.
    
    Je suis debout au pied du lit, fait-elle semblant de ne pas voir mon visage décomposé ?
    
    Je ramasse mes vêtements et les enfile. Elle me demande si je sors. J’avais pris l’habitude d’aller marcher pour voir la lune et les étoiles, voir si le monde pouvait encore être beau après les instants magnifiques qu’elle me donnait. J’ai pris l’habitude de lui mentir après. Et je ...
    ... partais confier à la nuit mes larmes d’amour et la violence de ma haine.
    
    Je la regarde encore une fois. Je la laisse parfaitement indifférente. Elle fume sa clope l’air satisfait. C’est déjà ça.
    
    — Te souviens-tu du jour où tu as cessé de m’aimer ? dis-je.
    
    Elle me regarde, furieuse.
    
    « Aimer » est un verbe qu’elle ne conjugue plus qu’en mangeant des sardines. C’est dingue de se dire qu’on aimerait être une chose qui pue, pleine d’arêtes, un poisson stupide et minuscule.
    
    — Moi, c’est aujourd’hui.
    
    L’air est frais au-dehors. J’ai oublié mon pull chez elle. Tant pis, je l’aimais bien mon pull.
    
    Je repense à l’aube que j’aimais voir naître en sentant son souffle léger dans mon cou. L’amour est un instant plus ou moins long, vouloir le suspendre est mascarade. Nier sa perte une folie.
    
    Je marche et me dis que j’ai tout de même de la chance de connaître un tel instant ave elle.
    
    À nouveau, des vers de Baudelaire caressent mes lèvres et, à voix haute, pour mon seul plaisir, je les récite, joyeuse de retrouver la femme que je suis.
    
    Je secoue les écailles qui commençaient à fleurir sur ma peau. Je me serais changée en sardine par amour !
    
    J’ai connu la passion dans laquelle on oublie sa propre volonté. Elle m’a offert un instant d’exception. Voilà ce que je garde au fond de moi.
    
    Le dernier vers du poète me fait sourire, alors que les immeubles endormis renvoient l’écho de mes pas tranquilles :
    
    Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. 
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