L'enfant du siècle
Datte: 19/10/2021,
Catégories:
hsoumis,
fdomine,
Voyeur / Exhib / Nudisme
portrait,
historique,
rencontre,
nudité,
Auteur: Tiberius, Source: Revebebe
... à Marthe de m’en apporter un.
— Vous fumez ? demanda-t-elle.
— Non, merci. Je ne fume pas.
Je bus mon café brûlant, alors qu’elle me regardait, le menton posé sur ses mains entrecroisées. J’étais vaguement ému, c’était un moment de rare intimité, son regard semblait me scruter, me transpercer, dévoiler mon âme. Le temps semblait comme suspendu. Lorsque je finis mon café, elle se leva sans rien dire et quitta la pièce. Elle revint quelques instants plus tard avec un cahier de croquis et un fusain.
— Vous êtes prêt pour poser, monsieur Armand Huet ?
Je fus abasourdi.
— Mais… comment connaissez-vous mon nom ?
— Tu ne me reconnais pas ?
Je la regardai plus attentivement, réfléchissant intensément. Et soudain, un éclair de conscience.
— Geneviève ?
— Oui.
Je restai coi. Souvenirs d’enfance. Les Fallières venant passer l’été dans notre manoir familial à Noyers-sur-Jabron. Monsieur de Fallières et mon père enfermés dans son bureau pour parler politique et actions en bourse, investissements, madame de Fallières et ma mère devisant sur l’éducation des enfants dans le strict respect des traditions. Et cette lumineuse amitié, alors que j’avais à peine dix ans avec leur fille Geneviève, les balades en forêt, son sourire éclatant à chaque fois que je lui faisais découvrir la flore sauvage, les plantes et leurs noms, les paysages, la montagne. Deux étés éclatants où une amitié était née, s’était épanouie sous le soleil. Et le souvenir d’un baiser timide sur la ...
... joue et de sa main serrée dans la mienne. Et ensuite, rien. Le sentiment d’un manque. Les années qui passent. Le pensionnat à Aix-en-Provence. Le séminaire. La perspective d’une vie morne et d’un état ecclésiastique imposé par la tradition familiale.
Geneviève avait fini son portrait. Elle me le montra. Elle avait reproduit à la perfection mes traits fatigués par les privations de ces dernières semaines.
— Dis-moi ce qui t’est arrivé, me demanda-t-elle.
Je la regardai et restai en silence quelques instants.
— Tu savais que j’étais destiné à devenir prêtre ?
— Oui.
— J’ai refusé de prononcer mes vœux au moment où l’empereur a déclaré la guerre à la Prusse et je suis arrivé à Paris juste avant le siège. Mon père a refusé de subvenir à mes besoins.
— Et comment as-tu survécu ?
— J’avais un peu d’argent de côté… Jusqu’à hier.
— Donc, nous sommes tous deux en délicatesse avec nos familles respectives.
— Comment ?
— Mes parents avaient prévu un mariage arrangé avec un membre de la famille du duc d’Orléans, dix ans plus âgé que moi, alors que je voulais étudier les Beaux-Arts. J’ai refusé et je me suis enfuie. J’ai vécu dans la misère pendant quelques années, en posant pour divers peintres et sculpteurs à Paris pendant que je faisais mes études. Et quand ma tante a appris ma situation, elle m’a offert cet appartement, qui appartenait à son défunt mari, ainsi qu’une coquette somme d’argent. Voilà l’histoire…
— Incroyable !
— Oh ! Mon Armand ! Comme tu m’as manqué ...