La boulette - Histoires de Sexe

La boulette

... Comme un crétin j’ai jeté un froid, que je romps benoîtement en parlant du film qu’on va voir, les critiques sont dithyrambiques. En fait, elle répond pas, elle a visiblement décidé de marquer le coup. Heureusement le temps nous est compté, ce qui écourte ce petit supplice. On partage la note, elle refuse que je paie seul, encore un signe, négatif. On file au ciné, clope au bec. Je veux prendre sa main, elle refuse. Je ralentis pour mater son cul, elle se retourne et attend, contrariée. Ça se présente pas bien du tout.

La séance se passe. La miss a eu raison de s’habiller chaudement pour la saison, la clim est réglée à fond, et moi je me caille en tenue d’été. Je ne tente rien vers elle, assez de râteaux pour ce soir. MaisThe Usual Suspects est un petit chef-d’œuvre, qui se déguste avec appétit.

Lumière, on est encore étourdi par le coup de théâtre de la fin du film. Je récupère mon vélo, et la raccompagne à sa voiture, garée plus loin, au parking du plateau. Enfin elle envoie du positif :

— Je vais te ramener, t’inquiètes.
— Merci, c’est gentil de supporter un idiot pareil.
— Je ne suis pas rancunière lorsqu’on s’excuse.

On arrive à sa voiture au plateau, le parking gratuit du centre-ville avec ses platanes, qui est aussi un belvédère sur la ville basse. Je détache les roues pour tout rentrer dans le coffre de sa Clio. Mais avant de partir, j’ai envie d’une cigarette, avec elle, en copains. J’ai envie d’elle, mais surtout de rétablir une certaine forme de ...

... probité. Je m’accoude au parapet, lui en propose une avec un clin d’œil, elle l’accepte et prend la même pose. On regarde ensemble côte à côte la nuit claire. Y’a personne. Je la sens tendue : plusieurs fois elle inspire fort, puis expire, frustrée. Je prends l’initiative.

— Vas-y, Fafa, crache ta Valda. Quoi que tu dises, je t’écoute.
— Merci… Je crois… qu’on va en rester là. Je t’apprécie beaucoup, t’es sympa, plutôt marrant, attentionné, tout ce qu’on a fait ensemble est vraiment super. Mais je ne t’aime pas, et c’est important pour moi. Et puis Steph, ta sœur, est ma meilleure amie. Tu comprends ?
— Humm, je comprends surtout que tu as PEUR. Ça va plutôt vite, je le reconnais. Eh oui, c’est pas comme dans tous les films qu’on s’est fait pendant des années. Moi aussi je pensais tomber amoureux, puis découvrir le sexe avec celle que j’aime.
— Exactement, merci.
— Mais il s’avère que ça s’est pas passé comme dans nos rêves. C’EST COMME ÇA. Je comprends parfaitement que ça t’embête, alors que moi, je m’en fous total. T’es une nana géniale, sans tabous, je trouve très, très con de s’arrêter là. C’est gâcher une belle occasion. Même si, peut-être, ça sera pas le Nirvana, tu sais déjà que ça ne peut pas se passer mal avec moi, hein ?
— MAIS JE NE T’AIME PAS !
— Tu sais, je ne t’aime pas non plus, bien que moi aussi je te trouve mignonne, sérieuse et passionnée à ce que tu fais (clin d’œil, elle sourit, je tente la tactique de l’abandon, enseignée par mon patron : devancer ...