Jeudi 5 mars 2048 - Histoires de Sexe

Jeudi 5 mars 2048

... les quatre corps. Ils ont été préparés ; les violences qu’ont subies leurs corps ont disparu. Selma, dans son tailleur strict, semble dormir tranquillement. Elle est belle, et n’a plus à vaincre ses démons. Une main se pose sur mon épaule : c’est le premier contact familier que Jean-Joseph me prodigue depuis notre rencontre.

— Nous devons faire le point rapidement. Passez me voir quand vous pourrez.

Une multitude de personnes sont venues rendre un dernier hommage aux dépouilles. Je n’en connais pas beaucoup, mais tous me présentent leurs condoléances : la Compagnie est vraiment une grande famille, et maintenant j’en suis membre.

L’ambiance est sépulcrale dans le bureau mitoyen habituel ; juste une porte nous sépare du lieu ensanglanté. J’entends du personnel qui s’active à côté ; mon estomac se vrille. Jean-Joseph, tassé dans son siège, me dévisage à mon entrée.

— Je tenais à vous annoncer que nous avons récupéré Eléonore à l’aéroport d’Esenboga d’Ankara. Elle est en route pour le château par la mer ; elle devrait arriver dans cinq jours.

J’écoute le compte rendu, mais je ne l’entends pas.

— Je tiens à l’interroger à son arrivée. Pour ce faire, mon travail nécessitera quelques aménagements et accessoires.
— Je ne suis pas convaincu que vous êtes à même de pouvoir conduire l’interrogatoire, et je ne veux pas de torture physique.

Je lui lance un regard noir ; il se tasse encore plus dans son ...

... siège.

— Vous me connaissez mal ; je suis un professionnel : rien n’interférera avec ce qui s’est déroulé antérieurement.

Un long silence s’installe entre nous deux.

— Donnez vos recommandations à Aurélie ; elle fera le nécessaire.

Je hoche la tête et me lève.

— Julien, vous n’êtes pas responsable de ce qui s’est passé. Nous le sommes tous.

J’explose de rage.

— Qu’est-ce que vous dites ? Bien sûr, je suis le seul responsable ! C’est moi qui ai concocté ce plan merdique, moi qui ai placé Selma en deuxième ligne pour la protéger, c’est moi qui n’ai même pas eu la présence d’esprit de protéger le toit ! C’était évident que nos adversaires chercheraient le point faible du bâtiment, et les tours sont de formidables spots de parachutage. Seulement voilà, j’ai vieilli et je me suis cru plus fort et plus malin. Le résultat est là : un tiers de notre effectif est à terre. Alors, s’il vous plaît, n’essayez pas de me dédouaner de mon manque de jugement.
— Vous êtes fatigué, ébranlé ; votre jugement est altéré. Utilisez ces cinq jours de tranquillité pour vous reposer. Hélène est aussi dévastée que vous ; veillez sur elle, s’il vous plaît : nous tenons tous les deux à elle.

De retour dans la chambre, je retrouve Hélène en sanglots, assise sur le lit, les vêtements de Selma éparpillés au sol.

— Je ne peux pas… Je n’envisage pas ma vie sans elle.

Je la prends dans mes bras.

— Habille-toi, nous partons loin de là.