Résonance pour le vide
Datte: 28/07/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... fait tout ça ?
– Euh, oui… répondit-elle en se raclant la gorge.
– Vous avez énormément de talent, complimenta M. Tomaze en levant les yeux vers elle. On sent la précision et la rigueur du professionnel dans vos travaux.
Son regard perçant n’était plus le même lorsqu’il le posa sur elle. Il semblait plus impressionné, plus respectueux, et surtout, moins méprisant.
– Merci, murmura-t-elle avec gêne.
– Je peux vous poser une question plutôt personnelle ? continua M. Tomaze, sans la quitter des yeux.
À nouveau, elle se sentit troublée par la profondeur et l’acuité de ce regard. Elle se raidit, observant M. Tomaze avec méfiance.
– Ça dépend, répondit-elle au bout d’un moment. Allez-y toujours. Mais rien ne m’oblige à répondre si elle ne me convient pas.
Il hocha la tête d’un air entendu.
– Pourquoi voulez-vous que je fasse un récit d’une œuvre déjà achevée ? Pourquoi ne pas garder l’unité de tout cela en images, sans la présenter à l’écrit ? Le choc du visuel peut parfois être beaucoup plus percutant. L’avez-vous proposée ailleurs avant de venir me voir, une galerie d’art, par exemple ?
Elle fronça les sourcils.
– Ça fait trois questions, il me semble. Vous aviez dit une seule.
– Et vous n’avez répondu à aucune, fit-il remarquer avec justesse.
– C’est vrai, convint-elle avec un sourire forcé. Je n’ai pas proposé ailleurs ces « images » avant de venir vous voir, et je ne compte pas le faire par la suite, même si vous me dites non. Je ...
... veux que vous écriviez leur histoire parce qu’elles ne sont pas assez convaincantes, selon moi. Et un livre est plus facile d’accès qu’une galerie d’art, vous ne croyez pas ?
Il eut un sourire énigmatique, et baissa les yeux sur la pochette qu’il tenait en main.
– Peu importe ce que je crois.Compos sui, récita-t-il, soyez maître de vous-même. C’est ce que vous croyez,vous, qui importe.
Elle ne trouva rien à répliquer et continua à le regarder tandis qu’il contemplait à nouveau les toiles et dessins, s’attardant longuement, cette fois, sur une esquisse en particulier.
– Je trouve celui-ci très réussi, approuva-t-il. Que représente-t-il au juste ?
Elle se pencha pour voir de quoi il s’agissait, puis son regard s’assombrit.
– C’est… commença-t-elle d’une voix hésitante.
Elle avait soudain la bouche aussi sèche que du carton. M. Tomaze lui jeta un coup d’œil inquisiteur, attendant la suite. Elle détourna la tête d’un air faussement négligé, pour lui dérober son regard, puis fixa le dessin soigneux et précis. Il représentait la partie supérieure d’une femme tracée au fusain, à partir des hanches.
– C’est évident, reprit-elle après une pause. C’est une femme qui crie.
– Et pourquoi crie-t-elle ? insista M. Tomaze.
Était-il doté d’un sixième sens ? pensa la jeune femme avec rancune.
Elle regarda la bouche démesurément ouverte de la femme du dessin, ses yeux emplis d’angoisse et de souffrance, son visage expressif, plein d’une interrogation muette et ...