La quatrième couronne (1)
Datte: 25/07/2018,
Catégories:
Lesbienne
Auteur: Orchidée, Source: Xstory
1 L’affront
L’hiver était là, ramené du Nord par de violentes bourrasques de neige qui brûlaient les yeux. Lena releva le col de la cape de laine sur sa nuque, le froid s’infiltrait partout, dans les bottes à l’épaisse semelle, sous l’armure résistante malgré sa légèreté, dans le pantalon de cuir tanné par les intempéries. Indisciplinés, les cheveux mi-longs flottaient au vent tel un voile sombre autour de sa nuque.
Rien, pas même la pire des tempêtes, n’aurait pu la déloger du gaillard d’avant quand les contours de la grande cité d’un million d’âmes se dessinaient à l’horizon. Le visage fermé, l’œil rivé à la longue vue, Lena concentra son attention sur le port de Dariane, la capitale du Tanys et le point névralgique du commerce maritime.
— Nous arrivons trop vite, maugréa-t-elle à son second.
— Amenez la grand-voile ! hurla Tobias dans le vent. Hissez la misaine !
Lena détailla les étendards des navires ancrés dans la crique protégée. Six portaient le pavillon orné du sanglier de la famille Tristan maîtresse de Dariane, quatre arboraient la colombe blanche sur fond bleu de la ligue des marchands, l’aigle doré du douzième se montrait menaçant, les serres en avant, les ailes relevées ; le prince Alphan de la maison Lorin l’avait devancée. La jeune femme replia sa longue vue, agacée.
— Baissez le pavillon ! Naviguez à bâbord, nous accosterons à l’extrême pointe de la baie loin des regards.
L’équipage choisi avec soin, des hommes rustres, mais loyaux ...
... capables de naviguer par tous les temps sur les mers des trois couronnes, se hâta à la manœuvre. Avec un peu de chance, personne au port n’avait encore remarqué les trois épées croisées au centre d’un écusson rouge qui ornait l’oriflamme de la maison Tarel sur le grand vaisseau noir de la flotte septentrionale en approche.
— Tobias, fais mettre une chaloupe à la mer dès que nous serons à l’abri du vent, on ne doit pas nous voir.
Lena avait espéré devancer Alphan à la cour du roi, au moins aurait-elle pu plaider sa cause. Malheureusement, la présence de son fiancé n’augurait rien de bon. La tradition du mariage arrangé avait force de loi dans les royaumes du Malvoy, de l’Angry et celui du Tanys. Les unions entre vassaux étaient ordonnées par intérêt, alliance politique ou cupidité, au mépris d’éventuels sentiments.
Les aigles de la maison Lorin assuraient le fer-de-lance de l’armée de l’Angry depuis toujours, les navires des Îles septentrionales servaient de premier rempart au royaume du Malvoy ; le mariage consoliderait davantage encore une paix longue de quinze ans, à peine troublée par quelques incursions barbares à la frontière à l’est de la terre des trois couronnes, là où nul ne s’aventurait par plaisir, là où les bannis contraints à l’exil étaient poussés sans espoir de retour.
D’après les allégations de quelques aventuriers peu dignes de confiance, les sauvages qui peuplaient la contrée se nourrissaient de chair humaine et copulaient à quatre pattes comme des ...