1. Une nuit à Fonfreide


    Datte: 14/06/2018, Catégories: ffh, revede, conte, merveilleu, fantastiq, Auteur: Nicolas, Source: Revebebe

    Une nuit à Fontfreide
    
    Dans cette vieille maison de famille, qui n’est plus visitée que rarement par l’un ou l’autre membre de la fratrie, perdue au bout d’un chemin de terre ne menant nulle part ailleurs, je suis venu chercher la paix de l’âme et le repos du corps, après avoir perdu en quelques semaines une compagne de route et mon travail.
    
    Au rez-de-chaussée, dans la grande salle commune qui fait à la fois office de cuisine, de salle à manger et de salon, la vieille comtoise égrène son éternel chapelet de tic-tac, ponctué toutes les demi-heures d’un coup de gong sonore et chaque heure du double décompte du temps passé.
    
    Une heure du matin, ne sachant plus que faire en cette nuit d’insomnie pour essayer de trouver le sommeil, je me suis réfugié dans mon lit, lumières éteintes à attendre le petit matin. J’ai essayé la TV : la pêche à la mouche sur les cours d’eau de seconde catégorie de la haute Ardèche ne fut pas assez soporifique. J’ai tenté la tisane tilleul-verveine avec une dose de « gas-oil » (verveine liqueur verte) à endormir un éléphant, rien, pas de résultat. Etape suivante : la lecture des cinq premières pages du dernier opus de BHL, sans le résultat escompté et pourtant Dieu sait si c’est assommant, ensuite une double dose de Stillnox qui d’habitude me procure six heures d’un bon sommeil réparateur : rien à faire non plus. Il ne me restait plus rien d’autre à tenter. Et puis à quoi bon ?
    
    Il fait un noir tout relatif dans la chambre. Une fois les yeux ...
    ... habitués à l’obscurité, la pièce s’éclaire et se peuple d’objets et de personnages que l’on ne remarque jamais dans la journée.
    
    Je ne savais pas que les coussins de la petite bergère dans le coin près de la fenêtre, qui somnolent et se font discrets tout au long de la journée, sont en réalité deux gros chats qui profitent de la nuit pour dormir plus profondément encore, roulés en boule sur eux-même et sans bouger.
    
    Chose plus étrange, le bonheur du jour, meuble haut de taille mais étroit d’épaules se transforme la nuit en un garde suisse à peine sorti de l’ombre, près de la porte, et qui vous ôte toute envie de tenter de vous enfuir. Mais pour aller où, en pleine nuit, pauvre sot, je te le demande ?
    
    Qui savait que, derrière les lourds doubles rideaux de brocard que personne ne ferme plus depuis longtemps, jamais dérangées, auréolées de poussière et nimbées d’un rayon de lune se cachent deux fées à l’éternelle jeunesse et à l’impressionnante beauté ? Je mis quelques minutes avant de m’apercevoir de leur présence.
    
    C’est vrai, comment faire la différence entre un rideau qui bouge, à peine bousculé par un tout petit courant d’air s’infiltrant entre les deux battants de la fenêtre et le délicat mouvement d’une fée changeant de place pour mieux voir l’intrus que je suis. Mais c’était une fée, j’en suis sûr. Je me suis fait tout petit, comme pour me faire oublier, les couvertures et l’édredon remontés jusque sous le nez, les mains croisées sur le ventre, la tête enfoncée ...
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