1. L'homme qui portait des lunettes de soleil


    Datte: 25/01/2018, Catégories: fh, Oral pénétratio, Auteur: Zahi, Source: Revebebe

    ... qui était impassible. J’ai repris encore les photos une à une, et soudain, en un éclair, j’ai reconnu Mokhtar sur l’une d’elles. Il n’était pas parmi ceux qui dansaient, mais il était assis derrière, sur un fauteuil, entouré de deux filles. Loin de l’objectif, il était légèrement flouté, mais il n’y avait pas de doute, c’était bien Mokhtar ! Il portait un costume gris et tenait un gros cigare dans une main. Devant lui, une bouteille de whisky et des verres sur une petite table. Une des filles avait un verre à la bouche ; de l’autre, on ne voyait que les jambes superposées et les talons-aiguilles.
    
    — Lui, Mokhtar ! fis-je à l’homme devant moi, en pointant la photo.
    — Mokhtar Abicha. C’est ça. Tu lui as planté un couteau dans l’épaule ; c’est pour ça qu’il ne met jamais de manches courtes. C’est ça !
    — Oui.
    — Tu as fait trois ans de taule, pour ça ! C’est ça ?
    — Effectivement.
    — Et maintenant tu le cherches, c’est ça ?
    
    Je n’ai rien dit sur le coup. À vrai dire, cela faisait quelques semaines que je ne le cherchais plus. Je n’étais plus sûr de vouloir le chercher. J’avais évolué depuis ma libération, comme si le renouvellement de l’air dans mes poumons avait réduit d’un cran ma soif de vengeance : à quoi bon le tuer et passer le reste de ma vie en taule ?
    
    — Alors ? m’a-t-il dit avec un brin d’impatience.
    — Je ne sais plus ; je l’ai cherché un moment, et maintenant je m’en fous.
    — Oui, mais c’est moi qui le cherche, m’a-t-il dit en allumant une autre cigarette.
    — ...
    ... C’est votre affaire.
    — Oui, c’est vrai ; mais cela va devenir la tienne, si tu veux retrouver ta copine !
    — Salma ?
    — Oui !
    — Qu’est-ce qui lui est arrivé, lui ai-je dit en tapant du poing sur la table et en sursautant.
    — Patience, jeune homme, et ne t’énerve pas : il ne faut pas éveiller les soupçons de ton patron. Tiens, une cigarette.
    
    Les filles à côté fumaient aussi et nous regardaient. L’une d’elles m’a fait un clin d’œil, avec une incroyable insolence.« Des putes, ce sont certainement des putes ! Il ne reste plus que des putes dans ce pays. » Et cette autre pute, la lune, se reflétait avec fracas sur le lac de Tunis. J’ai fumé profondément.
    
    — Oui, ta copine s’est barrée avec lui ! Ils ont disparu depuis six mois : il n’y a plus aucune trace. Je les ai cherchés partout ; à Tunis, à Sfax, à Sousse : ils se sont évaporés.
    — Et qu’est-ce que tu leur veux ?
    — Ah, qu’est-ce que je leur veux ? Tu le sauras un de ces jours, jeune homme ; mais pour l’heure, il faut m’aider à les trouver.
    
    Son portable a sonné dans sa poche. Il a écouté en souriant, puis il a gribouillé un numéro de téléphone sur un petit bloc-notes qu’il avait sorti de l’intérieur de sa veste. Ses mains défaillaient légèrement. Soudain, il m’apparut plus fragile qu’il ne le laissait croire. Il y avait dans ses yeux une faible lueur, comme un rayon de lumière perdu dans un long couloir poussiéreux. Lorsqu’il a rangé son téléphone, il a arraché la feuille du bloc-notes.
    
    — Écoute, jeune homme, je ...
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