1. Souvenirs de plumes


    Datte: 20/05/2018, Catégories: fplusag, profélève, école, exercice, nostalgie, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... face à elle ou plus exactement face à ses jambes sur lesquelles une divine providence avait remonté la jupe très haut, ce qui en ces temps restait d’une rare indécence.
    
    Je contemplais un mollet splendidement galbé, serré dans un bas couleur chair presque transparent. Au-delà des genoux, s’ouvrait une royale perspective : deux superbes cuisses qu’encadrait la jarretelle qui tendait la soie. J’en distinguai nettement le téton en caoutchouc coinçant le tissu dans l’œilleton métallique et le petit bout d’élastique servant à en ajuster la longueur qui rebiquait légèrement. Plus loin, la chair nue dont je soupçonnais la tiédeur puis, tout au fond de l’entonnoir, un peu dans l’ombre un voile noir dissimulait le tabernacle inconnu et son divin mystère. À la maison, j’avais pu observer ces objets qui, même vides de contenu, n’en avaient pas moins excité mon imaginaire. Devinez quels furent alors mes émois, devant mon affriolante institutrice.
    
    Je regrettais fort de n’avoir pas mieux garni mon plumier ce qui m’aurait permis d’éterniser cette situation. Soudain, dans un élégant mouvement, elle croisa les jambes et m’en présenta la face extérieure, barrée elle aussi par le liseré tendu du bas. Hélas, déjà le rêve s’achevait et j’entendis comme un glas :
    
    — Tiens, c’est réparé.
    
    Je m’étais agenouillé encore enfant et me redressai préadolescent, écarlate et abasourdi par cette transmutation. Je venais simultanément de découvrir que si l’enfer est souvent pavé de bonnes ...
    ... intentions, le paradis se gagne parfois grâce à de sévères punitions. Heureusement madameSergent-Major s’était replongée dans la correction de ses cahiers sans quoi mon trouble ne lui aurait pas échappé.
    
    Le lendemain, toute la journée, dans quelque position qu’elle adoptât, je m’ingéniais à lui retirer mentalement sa jupe pour la voir et revoir, ne fût-ce qu’en songe, si délicieusement accoutrée. Je pense que ce fut le jour où elle traita de la concordance des temps au passé, car c’est là un point que je n’ai, hélas, jamais assimilé. Bien que n’ignorant rien des courroux que cela me vaudrait de la part de mon père, je fus insupportable jusqu’à ce que je sois affligé d’une nouvelle retenue, mais tant pis, puisque c’était le prix à payer pour assister à l’attrayant spectacle. Le soir, je constatai,honteux et confus, mais un peu tard, que c’était un instituteur qui assurerait la surveillance des chenapans qui s’étaient distingués. Il ne m’en reste pas moins un indéfectible attachement à laSergent-Major qui m’avait valu mes premiers émois lors de cet exercice d’écriture punitive, à La Fontaine aussi qui, plus tard, sut en induire d’autres. Comment voudriez-vous que j’honore le« stylo à bile » qui fit son entrée officielle dans les écoles en 1965, avec lequel cette grisante aventure eût été impossible ?
    
    Vinrent les années collège qui sonnèrent pour moi la fin du règne sans partage des encriers. L’usurpateur se nommait stylo à plume et résolvait nombre de problèmes anciens. Il restait ...
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