1. Le quartier à la lumière rouge


    Datte: 18/05/2018, Catégories: fh, prost, sexshop, hotel, miroir, init, nostalgie, Auteur: Julien Mar, Source: Revebebe

    ... journaliste, mais aussi par mes goûts artistiques et littéraires. La peinture, ça je vous l’ai dit, mais aussi les livres. Je ne vais pas vous ennuyer longtemps avec mes lectures ; disons qu’un écrivain comme Alphonse Boudard m’est cher. Son livre sur la fermeture des maisons closes en 1946 expose avec curiosité et précision cet univers, son argot et ses personnalités. Il m’a donné envie d’en savoir plus sur ce milieu. Le Chabanais, le One Two Two… quelle salope, cette Marthe Richard !
    
    Alors quand un journal français me demande une enquête sur les maisons closes en Allemagne, j’accepte avec plaisir. Ils m’ont charrié à la rédaction. J’allais me promener au milieu des prostituées pour donner le parfum au lecteur français de ce qu’est le plaisir tarifé. Une enquête pour ce journal, c’est environ huit pages. De quoi en dire, des choses. Très vite, mon choix se porte sur la ville de Francfort. Je connais bien cette ville, ce qui n’est pas le cas de Hambourg, autre ville bien connue pour sa prostitution avec le quartier de la Reeperbahn, mais qui me sera trop étrangère pour le temps que je vais y passer. J’ai peur de passer à côté, de ne pas me fondre dans ce paysage interlope.
    
    Même si Francfort et Stuttgart ne sont pas loin l’une de l’autre, je vais rester en immersion durant le temps de mon enquête. Trois nuits et trois journées pour en appréhender la faune et la flore.
    
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    À mon arrivée à Francfort, la nuit tombait en cette fin juillet ; ...
    ... elle était estivale. Je connaissais bien cette ville pour y avoir vécu quelques années à mon retour en Allemagne après des études à Lyon. Mais n’allez pas faire le voyage juste pour la visiter, elle vous décevrait. La visite, je peux vous la faire en une demi-journée si vous le voulez, y passer la nuit éventuellement si vous voulez vous encanailler. Tout comme le reporter de guerre dort au milieu des immeubles défoncés pour être au plus près de l’action, j’avais choisi un hôtel miteux du quartier de la gare. En allemand, on les appelle les "quartiers à la lumière rouge" (Rotlichtviertele), parce que le rouge est une couleur urbaine indissociable des activités qu’on y trouve. Ils ne sont pas forcément à côté de la gare, mais souvent tout de même. Le Moldavia était un vulgaire hôtel de passe dans la Moselstrasse. Ça pue le tabac froid ; la moquette est usée et d’une couleur indéfinissable, et le taulier – disons Pavel – me tend d’un air las les clefs de la chambre. Pour 40 € la nuit, inutile de vous décrire ce que je pouvais y trouver.
    
    Je préparai mes affaires sur le lit : un petit carnet, un stylo, et mon petit appareil photo. De ma fenêtre je voyais en face les pancartes clignotantes qui annonçaient "Sex Sex Sex", "Tabledance" ou "Girls" (avec une grosse flèche vers une petite entrée masquée par un rideau). J’avais la sensation d’être infiltré en territoire pacifié, mais tout de même hostile.
    
    Le quartier de la gare à Francfort est connu pour ses drogués (le crack y sévit ...
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