1. Ce diable d'homme !


    Datte: 03/05/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... s’agissait, ni plus ni moins, avec une qualité d’image médiocre mais amplement suffisante, des dix dernières minutes de l’existence d’un condamné à l’électrocution. J’en dirai seulement que l’on ne peut plus, après, se déclarer partisan de la peine capitale.
    
    Jean-Marie me laissa vomir tout mon saoul, me prêta gentiment une serviette pour m’essuyer la bouche.
    
    — Veux-tu m’aider ? fit-il. Ce sera long, nous nous ferons copieusement insulter, mais l’objectif est clair et il est noble : plus jamais ça ! Peu nous importe que la sanction suprême soit prononcée au nom de la République ou du roi Tartempion, sanctifiée par la soif de vengeance de mille jurés ou par la signature d’un seul homme : c’est non, non et non. La vie d’un homme lui appartient, Nom de Dieu !
    
    Il faut le voir, le cher petit homme, arpenter la pièce en frappant du talon, battant ses hanches du poing sous la force de ses convictions.
    
    Ses nièces, qui ne sont pas plus ses nièces que je ne suis natif de la planète Mars, tentent de le raisonner. Il a soixante-dix-huit ans, tout de même, le cœur en mauvais état et une tension dangereusement élevée. Il suspend soudain cet emportement : il a faim. Nous dînons avec splendeur dans un restaurant landais. Trop de splendeur, même, étant donné la température, en sorte que Jean-Marie commence bientôt à bouillir, puis à frire et enfin à ruisseler et à produire des hoquets effrayants. La cuisine de la vie, d’une manière très générale, lui délabre l’estomac. C’est un ...
    ... passionné, vous l’avez bien compris. Pourtant ses idées demeurent claires. Absurdes assez souvent, mais claires.
    
    Il a bien occupé son temps au cours des journées qui ont précédé. Il a notamment effectué un grand tour à travers les stations de radio et les chaînes de télévision, la rédaction des grands journaux, recueillant au cours de ce périple assez de propositions, assorties comme bien vous pensez d’assez de menaces, de chantages sournois, d’arrière-pensées, de malentendus et de sous-entendus pour bâtir en Espagne un château de taille moyenne, mais avec de belles dépendances, plusieurs pensionnats pour vaches et une niche à garde mobile. En d’autres termes, le grand projet avançait bien. Ce qui allait mieux encore, disait Jean-Marie, c’est que ce même chemin faisant, le pied lui avait glissé dans la figure d’un producteur.
    
    Je demande naïvement : producteur de quoi ? Jean-Marie s’emporte ou plutôt poursuit dans son emportement :
    
    — Jean, mon ami, tu me feras mourir.
    — Jean-Marie, mon ami, auras-tu besoin de moi pour cela ?
    — Je parle de cinéma, pas de fabrication de sucettes. Bon, assez de bêtises. Il s’appelle Fontaine et surtout ne me dis pas que tu ne boiras pas…
    — Je ne dis rien, protestai-je.
    — Tu es admirable, affirma Jean-Marie.
    — Je n’irai pas mettre ta parole en doute, dis-je, mais comment assembles-tu toutes les pièces de ce puzzle ?
    
    Jean-Marie a levé les bras au ciel en bénissant la naïveté admirable de mon âme avant de se lancer dans l’une de ces ...
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