Le cavalier de l'Empereur
Datte: 05/05/2018,
Catégories:
fh,
fbi,
hplusag,
uniforme,
campagne,
voyage,
amour,
Oral
aventure,
historiqu,
Auteur: Margeride, Source: Revebebe
... appartement feutré et élégant où elle se sentait bien, presque trop bien. Car cette envie même l’inquiétait. En partant, elle lui avait seulement laissé un mot, sur un de ses bristols bleu pastel :« Je ne peux pas rester, je t’appellerai. C. ».
Tout était allé trop vite, il lui semblait que sa vie s’emballait, elle avait besoin de se retrouver avec elle-même, de faire le point. Une longue promenade dans les rues de Paris allait l’aider à se vider la tête, à retrouver un peu de lucidité. Des sentiments mêlés traversaient son esprit, l’attirance, oh oui, l’attirance mais aussi l’angoisse d’être déçue, encore déçue…
Charlotte était née à la Ciotat, une petite ville populaire, pas très loin de Marseille. En ouvrant la fenêtre de sa chambre, au troisième étage d’un immeuble juste derrière le port, elle pouvait voir les installations des chantiers navals qui, jadis, avaient fait la prospérité de la ville et de ses habitants. C’était dans ces chantiers que Karel, son grand-père, avait trouvé du travail après avoir fui sa Tchécoslovaquie au mois de janvier de 1938, lorsque les bottes nazies se faisaient menaçantes autour de Prague. Quelques semaines de plus et il n’aurait sans doute pas réussi à traverser l’Autriche annexée au Reich. Enfin, après maintes péripéties, il avait atteint les bords de la Méditerranée pour participer, ironie de l’histoire, à la construction du « Maréchal Pétain », qui devait être le bateau de croisière le plus luxueux de son temps mais finira au fond ...
... de la baie de la Grenade un jour de 1961 après avoir été rebaptisé « La Marseillaise ».
Charlotte adorait son grand-père, un bel homme, toujours souriant, qui portait la casquette comme personne. Il lui faisait penser à Gabin dans « La bête humaine ». Il appartenait à ce monde aujourd’hui disparu de « l’aristocratie ouvrière ». Militant communiste de cœur, il avait, bien sûr, été ébranlé par le Printemps de Prague mais n’avait jamais renoncé aux idéaux qu’il s’était forgés au cours des années sombres de l’occupation.
— Pourquoi est-ce que je pense à ça ? se demanda Charlotte, tout en marchant dans les rues de Paris. Peut-être parce que j’ai l’impression d’être à une bifurcation de ma vie et que je ne sais quelle direction prendre. Ou peut-être simplement parce que j’aimerais pouvoir lui parler, lui dire tout ce désordre qu’il y a dans ma tête.
Et puis aussi peut-être aussi parce que le vieux Karel symbolisait l’une des périodes les plus heureuse de sa vie, lorsqu’adolescente farouche à la beauté naissante, elle faisait tourner les têtes des garçons de son lycée. Elle songeait à ces moments de sensualité délicieuse, au mois de juin, avant qu’arrivent les estivants, lorsqu’elle allait se baigner nue dans les calanques avant d’offrir au soleil son corps bronzé. Elle avait l’impression de faire l’amour avec l’air vif des brises marines. Et puis il y avait eu la fac à Aix et la rencontre avec son futur mari… Ça, c’était moins drôle…
Elle marcha, marcha encore, perdue ...