Le cavalier de l'Empereur
Datte: 05/05/2018,
Catégories:
fh,
fbi,
hplusag,
uniforme,
campagne,
voyage,
amour,
Oral
aventure,
historiqu,
Auteur: Margeride, Source: Revebebe
... lancé un jour en entendant un vieux du village en parler. Dans la bouche de tout autre, ces mots auraient suscité des railleries, mais Pierre, lui, on le prend au sérieux. C’est vrai qu’il n’avait que 14 ans lorsqu’un loup a tenté d’attaquer l’une de ses bêtes, un de ces jolis veaux de l’Aubrac qui font la fierté de son grand-père. Il n’a pas hésité un instant : grondant comme un ours, il s’est jeté sur le fauve et, armé d’une grosse branche, il l’a mis en fuite, au prix d’une belle estafilade sur le bras.
Si Pierre se hâte en cette fin de journée, ce n’est sûrement pas par crainte, il ne craint personne, ni homme, ni animal. Ce n’est pas non plus pour retrouver les jeunes du village, il les trouve ennuyeux. Ce n’est pas même pour conter fleurette à une belle car, lui qui n’a peur de rien, est plutôt emprunté à la vue d’un corsage. Il dépasse les premières maisons du hameau, aux toits couverts de neige, et frappe à la porte d’un bâtiment collé à l’église. Après quelques instants, un homme apparaît.
Grand, mince, d’aspect austère, il porte une soutane usée, mais ses yeux brillants de bonté démentent son aspect sévère. C’est l’abbé Dosière, le curé de Rignac. Malgré les quelque quarante années qui les séparent, le jeune paysan voue une admiration profonde au vieux prêtre. Fils cadet d’une famille de petite noblesse de l’Artois, ancien aumônier du régiment de Bourbonnais, Dosière est un vétéran de la guerre d’indépendance américaine, cette guerre qui va changer le ...
... monde, même si nul ne le sait encore.
Sans jamais porter d’arme, il a traversé les combats, animé d’un courage tranquille qui impressionnait les soldats les plus aguerris. Inlassablement, indifférent au feu, il parcourait les champs de bataille, apportant un peu de réconfort aux blessés et aux mourants. À Yorktown, où s’est jouée la naissance de la jeune nation, il a secouru le marquis de Laval, colonel de son régiment, qui se trouvait en fâcheuse posture après avoir été désarçonné. Sa conduite lui a valu de recevoir le ruban rouge de la Croix de Saint-Louis des mains du comte de Rochambeau.
Dosière est un humaniste, comme le marquis de Laval il est franc-maçon mais, à la différence de celui-ci, farouchement conservateur, il est épris des idées des Lumières et se montre d’abord enthousiaste lorsqu’éclate la Révolution Française. Il rêve d’une monarchie libérale, d’une société telle que l’imaginent ces Encyclopédistes qu’il admire. Mais l’exécution du roi et surtout celle de la reine ébranlent ses convictions. L’horreur des guerres de Vendée, le climat de haine qui règne dans le Paris de la Terreur achèvent de le dégoûter.
Il quitte ce tumulte, échappant probablement ainsi à la guillotine, pour devenir simple curé de campagne dans ce village perdu au milieu de rien où il apprendra la chute de la Convention et la mort de Robespierre. Évoquant l’homme qui fit trembler la France, Dosière dira un jour à Pierre :
— Tu vois Pierre, il y a des hommes qui se croient tellement ...