1. Lydia


    Datte: 02/05/2018, Catégories: fh, fsodo, portrait, inithf, Auteur: Jules Gratien, Source: Revebebe

    ... sœurs.
    
    Un soir, en sortant d’un petit bar un peu crade, où j’avais bien dû descendre quelques bières de trop, je cherchais un endroit tranquille. À deux pas de là, je suis tombé sur la carrosserie massive de la bagnole du patron. Ça m’a étonné. C’était l’été, déjà tard. Le quartier puait la tristesse et les poubelles qui s’alignaient le long des portes. Le bas de la ruelle était plus sombre encore. En m’approchant, j’ai repéré tout de suite que le carreau côté conducteur était entrouvert. Juste assez pour que j’y passe mon outil.
    
    J’y ai pissé tout ce que j’ai pu dans sa Volvo ! Les sièges en velours gris perle, le tableau de bord, la moquette, et les dossiers dans leurs chemises de carton sur la banquette arrière. Tout y a passé. C’est à ce moment pile que je l’ai repéré. Une silhouette costaude qui s’encadrait dans l’embouchure de la rue. J’ai bien pris le temps de remonter ma braguette, et puis je suis reparti. Tout doucement. En faisant sonner ma béquille à chaque pas.
    
    Une fois ou deux, je me suis retourné. Lui aussi ne s’est pas pressé. Comme dans un film au ralenti. Il marchait pour rejoindre sa bagnole. Vu ma dégaine, il ne pouvait avoir de doute sur qui j’étais. Mais personne ne s’est jamais plaint.
    
    Dès que j’ai pu me débrouiller sans l’aide d’une canne, je suis devenu représentant chez Culligan. Tout le monde connaît les adoucisseurs d’eau. Dans une sorte de couloir tapissé de moquette bleue pelucheuse éclairé au néon, une équipe d’une dizaine de nanas, ...
    ... elles aussi, payées à la commission, prenaient les rendez-vous à l’arrache. Ces filles-là, on n’y touchait pas. Ce n’est pas qu’elles étaient toutes moches. Mais une histoire avec l’une d’entre elles, pouvait vous faire prendre en grippe par le reste de la bande. Cela signifiait qu’on vous aurait refilé tous les rendez-vous foireux.
    
    En ce temps-là, les gens ne se méfiaient pas trop du téléphone. On perdait volontiers un peu de temps à se faire embobiner. Les affaires marchaient pas mal pour moi. Je gagnais bien plus de fric qu’à l’usine, et je me sentais libre comme l’air ! En principe, il valait mieux avoir à faire à un couple. Les filles du téléphone connaissaient leur boulot. Elles savaient parfaitement que, la plupart du temps, un contrat se signait avec l’accord du mari.
    
    Alors elles se débrouillaient pour s’assurer que monsieur et madame soient présents le jour de la démo. C’était ça, leur job. Pourtant ça arrivait quand même que la dame soit seule. Dans ces cas-là, je me démerdais pas mal aussi. La gigue de mon pied déglingué ne semblait pas trop les rebuter. Peut-être même le contraire. Elles se méfiaient moins d’un p’tit gars handicapé, et ma bouille d’ange les endormait. J’aurais sûrement pas mal de choses à dire là-dessus, mais ce n’est pas le sujet.
    
    Entre les rendez-vous, je ne m’ennuyais pas non plus. Je passais beaucoup de temps au bistro. J’y claquais presque tout d’ailleurs, mais je m’en foutais. J’étais jeune et ne pensais pas à l’avenir.
    
    C’est dans ...
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