Lydia
Datte: 02/05/2018,
Catégories:
fh,
fsodo,
portrait,
inithf,
Auteur: Jules Gratien, Source: Revebebe
... pareil, on les laissait sur la tranche.
Je devais bien les serrer à la sangle mécanique pour les arrimer. C’est à ce moment, que mon pied a dû buter sur une des fourches. Je venais juste d’engager la sangle dans le cliquet quand la dernière tôle posée, s’est mise à chanceler. Étendu par terre. Paralysé par la peur de ce qui allait se passer. Je la fixais qui vibrait dans l’air comme une feuille de papier. Elle semblait hésiter sur la tranche en tremblotant.
Et puis, elle a bien fini par basculer de tout son poids. Crac ! Comme un coup de masse sur une noix sèche. Ma cheville ! Bon sang ! Je n’ai même pas pu hurler. Comme une espèce de crampe. La douleur m’a tordu tous les muscles du corps, des pieds à la tête. Broyé. Trempé instantanément d’une sueur froide : les cuisses, les reins, le torse, les épaules… Glacé. Je restais là, collé sur le sol de ciment gras, bouche ouverte, sans pouvoir articuler un mot. Mais, ce n’était pas fini. Non, je le savais bien.
L’onde provoquée par la chute de cette fichue tôle allait entraîner les autres. Et personne n’y pourrait rien. Pas même Abdel, mon pote, qui était accouru. S’était figé. Là, en retrait, à deux mètres du Clark. Il savait bien qu’il n’y avait rien à faire, qu’à attendre. Elles tomberaient toutes, une à une, comme au ralenti. Elles m’écraseraient un peu plus, dans un martèlement vaste et lourd comme la terre. Je ne sais pas si je l’ai imaginé, ou si je les ai vues vraiment toutes tomber. Parce qu’après avoir perdu ...
... connaissance, je ne pouvais plus faire la distinction entre ce que j’avais pu voir et ce qu’on m’a raconté.
Finalement, je ne m’en suis pas trop mal tiré. Le boîtier à cliquet de la sangle arrachée était resté coincé entre une des deux fourches et la première plaque. Ce truc, pas plus grand qu’une boîte de dominos, avait était suffisamment costaud pour résister au poids monstrueux de la ferraille. Il avait ménagé un espace suffisant pour éviter que chaque os de mon pied et de ma jambe n’éclate et ne soit réduit en miette.
En perdant mon boulot, j’ai perdu tous mes potes. J’ai attaqué la boîte pour décrocher le pactole. Je l’avais bien mérité, m’avait seriné l’avocat. Seulement le règlement de l’usine était formel. Les plaques ne devaient jamais être stockées, ni déplacée sur la tranche. On n’en avait jamais rien su jusqu’à ce jour. Mais dès qu’on m’enfourna dans l’ambulance du SAMU, le patron avait fait remettre toutes les plaques à plat. Et personne n’a voulu témoigner pour moi. Abdel, il a même signé un papier, une déclaration, pour l’enquête de gendarmerie.
Comme quoi, j’étais le seul à charger les tôles de cette façon.
Merde alors ! Au fond… je ne leur en ai pas voulu, ni à lui, ni aux autres. Je sais foutrement bien qu’ils risquaient leurs places. Mais, tout de même, ça ne me disait trop rien de les revoir. Et eux non plus n’ont pas cherché à me rendre visite. Ils avaient trop honte, je crois bien. Personne ne s’est pointé à l’hôpital. Que ma mère, et mes ...