Lydia
Datte: 02/05/2018,
Catégories:
fh,
fsodo,
portrait,
inithf,
Auteur: Jules Gratien, Source: Revebebe
Faut pas croire que j’ai toujours eu cette trogne pourrie !
Ça fait un bout de temps que j’évite de croiser mon regard dans la glace. Je connais trop bien ce fichu tubercule rougeaud qui me mange la figure. Les narines dilatées, piquées de points noirs, garnies de touffes grises.
Mince, les yeux ! Plus vraiment bleus maintenant. Deux billes floues qui baignent dans leur jus pisseux, bardées d’une crépine de sang. Je veux bien admettre que le tabac et l’alcool y soient pour quelque chose. Ouais… Les rides qui creusent, les bourrelés qui gonflent, le cheveu jaune et rare. La peau qui pendouille sous les bras, et tout le reste flagada !… Le temps qui passe n’a pas fait semblant.
Non. C’est peut-être dur à imaginer, mais j’étais beau gosse à l’époque. Pas vraiment grand, bien sûr. Mais mince. Les traits lisses et réguliers comme sur les magazines. Suffisait que je regarde une fille dans les yeux, pour lui faire baisser la tête. Elles riaient, toutes, des conneries que je pouvais dire. Elles rougissaient dès que je m’approchais un peu trop de leurs hanches. Je savais y faire en ce temps-là ! Ma mère, ma grand-mère, mes sœurs,… Depuis bébé, elles rabâchaient que j’étais mignon. Alors forcément, je ne doutais de rien. Ça m’a plutôt aidé de ce côté-là.
Tout ça est bien fini, mais j’en ai bien profité tout de même. Je ne devais pas avoir beaucoup plus de vingt ans. Je boitais déjà par contre… J’avais fini par fignoler cette histoire d’accident de moto. C’était le bon truc ...
... pour épater les filles. Moi, qui n’avais jamais chevauché qu’une Zündapp… Vous comprenez.
C’est drôle, maintenant on ne me demande plus. Tout le monde s’en fout. Ça doit paraître normal que je traîne la patte. Si on me le demandait, je le dirais bien ce qui s’est passé. Mon premier boulot, avant que je ne sois représentant. Manutentionnaire. Un peu cariste aussi. Je travaillais pour une petite usine crasseuse qui fabriquait des pompes et des pressoirs pour l’agriculture. Je m’occupais principalement de fournir les ateliers avec la ferraille entassée au magasin.
Ce qui nous fichait bien la trouille, moi et mon pote, le magasinier, c’était quand on recevait un bon pour les tôles lourdes. Les tuyaux aussi ce n’était pas coton, mais on s’y mettait à toute une équipe. On les soulevait au palan électrique, sur les rails qui couraient à dix mètres de hauteur en faisant le tour des ateliers. Fallait juste faire gaffe à ne pas accrocher les machines au passage.
Non, les tôles, c’était autrement plus flippant. D’abord, elles étaient rangées sur la tranche. Histoire de gagner de la place. Et puis, comme ça, on pouvait mieux repérer les dimensions et faire son choix. Elles faisaient souvent moins de deux mètres de côté, mais beaucoup étaient épaisses de plus de vingt millimètres. Fallait donc les écarter les unes des autres à l’aide de grosses bâtasses, et un jeu de cales de bois. Et puis, en douceur, on les faisait riper l’une après l’autre sur les fourches de l’élévateur. Là, ...