Une rencontre singulière - Histoires de Sexe

Une rencontre singulière

... philosophes de son époque, celui qui a donné naissance au XXe siècle. Je lui réponds que c’était plutôt un précurseur des nazis.

— Certes, me dit-elle, mais le nazisme n’a-t-il pas fait partie du XXe siècle ? Ce n’est pas parce qu’on apprécie un auteur pour ce qu’il nous apporte de la compréhension d’une époque qu’on est forcément d’accord avec lui. Je suis d’accord avec toi : certains des trucs qu’il avance sont à gerber. Mais comment comprendre notre époque sans lui ?
— Oui, c’est vrai. J’avais pensé que tu l’admirais sans plus.
— Tu me vexes, là. Comme si j’allais prendre pour argent comptant ses délires sur le surhomme et la race des seigneurs ! Et Courbet ? Qu’en penses-tu ?
— J’aime ce tableau, celui du château du Chillon. Il a un côté très XIXe siècle, avec la brume, l’eau, le château au bord des flots. Très toi, en fait.
— Très moi ? C’est flatteur. C’est mon look gothique qui te fait dire ça ?
— Disons ton look à moitié gothique, à moitié petite bourgeoise qui se la joue rebelle, je lui réponds.
— Un point pour toi : tu as su me percer à jour. Et « L’Origine du monde » ?
— C’est simple. C’est un point de vue subjectif. C’est là d’où nous venons tous. Sans la naissance, nous ne sommes pas au monde, nous ne pouvons pas le percevoir. Donc, l’origine du monde, c’est le fait de notre propre existence, sans laquelle il n’y a pas de sujet à même de connaître le monde.
— Foutaises ! À part une analyse intellectuelle de branleur qui traîne dans les bistrots à ...

... Saint-Germain-des-Prés, qu’en penses-tu, de ce tableau ?
— Ben… euh… je l’aime bien : il y a un côté sensuel qui ne me déplaît pas, m’aventuré-je. Et puis je te rappelle que j’habite à Montpellier. Donc, le style germano-pratin snobinard, c’est assez éloigné de l’étudiant en première année dans une fac de province…

Elle rit.

— Moi, je me mets souvent à la place de la nana qui a posé. C’était quand même osé, non ? J’aurais aimé être à la place de cette meuf.
— Moui, dis-je sans grande conviction.
— Dis-moi, tu as déjà essayé le SM ? me demande-t-elle de façon abrupte.
— Le quoi ? Je ne sais pas ce que c’est.
— Le SM, pour sadomasochisme.

Du coup, je commence à paniquer. Que me veut-elle exactement ?

— Ben… euh… non.
— Naturellement, on ne peut pas faire ça comme ça, me dit-elle. Il faut être initié convenablement.
— Ah bon ? lui rétorqué-je d’un ton distant malgré moi.
— Moi, je suis un très bon professeur.

Je me contente d’un vague marmonnement.

— Dis-moi, me dit-elle, tu m’as l’air très froid, très distant, tout à coup. Que se passe-t-il ?

Soudain, je me dis que j’ai tout gâché. Juste parce que j’ai peur. Je lui réponds :

— Excuse-moi, Adélaïde. Je ne m’attendais pas du tout à ce que tu me parles de ça. Je t’aime bien et ça me fait un peu peur, si tu veux tout savoir.
— Mais ce n’est pas du tout comme tu l’imagines. Et puis, je ne te demande rien.
— Non mais en fait, si tu veux, d’une part j’éprouve de la curiosité et d’autre part, ça me fout les ...