1. L'enfer des brocantes


    Datte: 03/01/2021, Catégories: fh, fagée, inconnu, voiture, cérébral, nonéro, Humour Auteur: Olaf, Source: Revebebe

    ... absolue, leur raison de vivre et de revenir marché après marché. Ils sont accros de la brocante comme les joueurs invétérés le sont du tapis vert.
    
    Viennent enfin les collectionneurs, alter ego des brocanteurs, qui passent de stand en stand, s’enquièrent des objets acquis récemment par le vendeur qu’ils connaissent depuis longtemps et dont ils ont l’inventaire en mémoire. C’est par eux que le novice apprend son métier. Ils savent l’exacte valeur des choses, et payent recto pour les obtenir. Ils se rattrapent en refilant les doublons à des collectionneurs débutants, passant occasionnellement de l’autre côté de la table pour vendre leur surplus.
    
    Voilà pourquoi, suivant les objets à vendre, le stand sera disposé selon les règles qui régissent les choix et le parcours de chaque type d’acheteur. Sans oublier de garder en retrait quelques cartons apparemment vides, d’où émergent lascivement quelques merveilles potentielles.
    
    L’étalage de livres a aussi de grands avantages. Ils ralentissent le flux des visiteurs et accrochent près de la table des clients cultivés, souvent fort sympathiques. Bien présentés et accompagnés d’un minimum de confort de lecture, les bouquins sont donc un bon moyen de discuter avec des gens intéressants.
    
    A l’exception des livres érotiques, que les hasards des débarras font parfois découvrir dans "l’enfer" des bibliothèques. Ceux-ci posent certains problèmes de placement. Disposés négligemment parmi les autres livres, ils risquent de tomber entre ...
    ... des mains innocentes ou de décevoir un prude amateur de littérature classique. Réunis dans un carton séparé, ils attirent une catégorie d’intéressés qui prennent la place des acheteurs potentiels de grande littérature en venant se rincer l’œil. En outre, le livre érotique est souvent bon marché, et n’a d’intérêt que si la transaction est rapidement enlevée.
    
    Ce jour-là, j’avais de la chance, les livres coquins dont je voulais me débarrasser éveillaient l’intérêt. À deux ou trois reprises quelqu’un les avait regardés, ce qui laissait supposer que leur place était bonne.
    
    L’affaire se précisa sous la forme d’un monsieur dans la force de l’âge, qui voulait visiblement se donner le temps d’examiner toute la collection et choisir calmement. Je le regardais de temps à autre du coin de l’œil pour savoir s’il trouvait son compte. Je voulais aussi savoir s’il s’intéressait plutôt aux ouvrages illustrés, à consommer de suite, ou aux écrits, qui exigent un détour par l’imaginaire. C’était visiblement cette catégorie qui le tentait. Il s’agissait donc de lui laisser un peu plus de temps avant d’intervenir, et de le conseiller au bon moment pour assurer la prise.
    
    Après quelques minutes, que je mis à profit pour me servir un café brûlant et bienvenu, vu la température glaciale de ce début de matinée de novembre, au moment où j’allais le héler, un autre monsieur apparut. Il était probablement déjà passé près des livres sans que je le repère. Car, se plaçant juste à côté du premier, il ...
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