Sens inverses
Datte: 21/12/2020,
Catégories:
fh,
hplusag,
inconnu,
train,
hdomine,
pénétratio,
init,
prememois,
initfh,
occasion,
Auteur: Charelle Mondar, Source: Revebebe
— Ta voix te perd. Que de bruits futiles ! Cherche plutôt ta voie et tais-toi, Odile !
Mon cousin Louis m’a chuchoté cette phrase avec mépris il y a plus de dix ans, au beau milieu d’une partie de cache-cache enfantine et campagnarde. Il ignore jusqu’à aujourd’hui l’impact qu’ont eu sur moi ces quelques mots. Ils ont été comme un coup de feu cinglant tiré au cœur de mes questionnements de jeune fille. Un effondrement de mes fragiles certitudes. Je devais donc cesser de piailler, me renfermer sur moi-même, chercher la vérité ? C’est ainsi qu’à douze ans je commençais à me taire. J’étais en quête de sincérité ; je me suis tournée vers l’intérieur, vers le silence. J’ai rencontré Dieu et la foi. Ma vocation.
Au commencement le silence m’assourdissait. Ça bourdonnait tout le temps entre mes oreilles. Puis peu à peu j’ai glissé vers la douceur de mon mutisme. Je parlais moins mais je méditais plus. Je fuyais les cris de la futilité adolescente pour rechercher le sens. Je ne me suis jamais coupée du monde. J’avais juste baissé le volume, amoindri les babillements inutiles. Je me suis mise à écouter. C’est ainsi que j’ai pu entendre Dieu. Sa découverte n’a pas été fulgurante ; elle s’est faite jour après jour dans une cohérence juste et naturelle. Presque à mon insu. J’étais étudiante à l’université, en troisième année. Depuis cinq ans déjà j’étais active dans diverses associations philanthropiques. Au lycée je n’avais fait qu’effleurer ce monde de solidarité, mais depuis ...
... que je demeurais à la faculté j’étais de plus en plus absorbée par l’aide désintéressée. Cet affreux bâtiment de béton, palais du savoir et de l’érudition, trônait avec nonchalance à quelques mètres de cités pauvres et laides. Les étudiants bavards ignoraient cette promiscuité dérangeante. Ils étaient tout entier plongés dans leur réussite universitaire et sociale. Il leur fallait de bons résultats, des professeurs passionnants, des poses dialectiques et du sexe. Derrière un étalage de romantisme désabusé se cachait un désir purement charnel.
Pour ma part je restais silencieuse, tournée vers mes études de sociologie et vers les cours de soutien que je donnais aux enfants de la cité. Puis peu à peu je rencontrais les familles de mes élèves, leurs pères chômeurs, les grands-mères analphabètes, les sœurs en dérive… J’entrais dans leurs logis miséreux, j’aidais comme je pouvais. Je m’investissais de plus en plus dans l’association. Je n’avais pas de petit copain. J’avais plu à des hommes qui m’avaient écœurée par leur désir vénérien. Après avoir couché avec moi, ils m’avaient laissée comme on oublie un fruit gâté qui a perdu tout son attrait. Je ne les intéressais pas. Ils me dégoutaient. Les hommes qui me plaisaient ne me voyaient pas. J’étais à leurs yeux un être asexué ou transparent. Dans la plénitude de mon silence et de l’action, je m’éloignais de toute velléité charnelle.
Puis un soir de Noël, alors que j’assistais avec toute ma famille à la messe de minuit, j’eus la ...