Portrait volé
Datte: 04/12/2020,
Catégories:
fh,
hplusag,
jeunes,
forêt,
campagne,
amour,
soubrette,
jalousie,
dispute,
pénétratio,
jeu,
mélo,
portrait,
historique,
Auteur: Musea, Source: Revebebe
Solange avait décidé d’aller à ce rendez-vous dans la serre. Au petit matin, elle pensait ne rien risquer, en tout cas moins qu’à la nuit. D’ailleurs, n’était-ce pas la cuisinière qui racontait, lorsqu’elle avait trop bu, que tout amant vient à bout d’une jeune fille tant que l’obscurité domine le monde ?
Solange avait vu de sa chambre le soleil se lever derrière le rideau d’arbres.
Matin de juin bruissant du chant des oiseaux… et Pierre qui l’attendait au milieu des caisses d’orangers, de citronniers et de jasmin… Pierre… L’intendant qui semblait toujours impassible mais qui avait fondu devant elle comme un sorbet au soleil, qui lui avait volé un baiser et qui la veille lui avait fait passer un billet l’enjoignant à le rejoindre avant l’arrivée des jardiniers. Allons, il faudrait voir qu’il ose à cette heure matinale se conduire comme un sauvage avec elle… La jeune femme avait fait exprès de se mettre en retard. Pour respecter l’adage qui dit toujours qu’une femme doit se faire désirer, et puis aussi, parce qu’encore craintive, elle redoutait que l’intendant l’entraînât plus loin qu’elle ne désirait aller.
Mais jusqu’où était-elle prête à aller, au fait ? Tout en descendant le grand escalier de marbre du château de Beauregard, Solange se répétait à mi-voix la conduite à tenir :
— D’abord lui dire que j’ai peu de temps à lui consacrer et toujours rester à un mètre de lui. L’écouter s’il est sage mais l’interrompre dès qu’il s’avance… Je vais y arriver, oui, je ...
... dois y arriver !
Elle traversa le grand hall puis sortit avant de prendre l’allée sur l’aile ouest en direction des serres. Un frisson, puis un autre la firent tressaillir. De froid mais surtout d’appréhension. Et si un domestique la voyait ? Elle ralentit l’allure à mesure qu’elle se rapprochait du lieu de rendez-vous. Ses pas se firent de plus en plus légers, et elle passa sur l’herbe pour être tout à fait silencieuse.
Au loin, derrière les hautes vitres de la serre et dans l’enchevêtrement végétal d’un vert profond des orangers, elle perçut la lumière jaune d’une lanterne. Pierre devait l’attendre, caché parmi les arbres.
Rougissante, elle ouvrit la porte et s’avança.
La chaleur humide maintenue dans les lieux la surprit comme un bain trop chaud.
Elle sursauta, s’immobilisa une minute, laissant battre son cœur à tout rompre puis, rassemblant tout son courage, elle se dirigea vers la lumière de la lampe, sa robe jaune comme un pavot de montagne dans la forêt exotique.
L’intendant était bien là, debout près des plus beaux arbres chargés de fruits. Son visage habituellement froid affichait un sourire ému tandis qu’il voyait s’avancer la camériste.
Et lorsqu’elle écarta les branches d’un citronnier pour pouvoir le rejoindre, il ne put s’empêcher d’aller à sa rencontre, mu par le désir de la serrer plus tôt dans ses bras.
— Vous voilà enfin, Solange ! Vous vous êtes bien fait attendre !
— Seriez-vous plus impatient que vous ne le montrez d’ordinaire ? ...