Aventuriers et diplomates
Datte: 24/11/2020,
Catégories:
nonéro,
historique,
Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe
... qui détestent Concini. Soit presque tout le monde. Le rapport de force est en sa faveur, et il est le roi. Il lui suffit de dire « Je veux ».
— Que ne le dit-il, alors ? Et pourquoi vous rappeler pour comploter ? À votre âge…
— Sans doute parce que la Médicis s’est beaucoup rapprochée de l’Espagne ces derniers temps, et que son éviction changera alors beaucoup de choses. On aura besoin alors de diplomates confirmés. Et je dois bien avouer, Aldemar, que vous allez terriblement nous manquer.
— Oh, répondit le comte, vous… êtes… de taille… à vous… en… sortir… tout… seul.
— Hum… Si j’avais été seul à Vervins…
— Vous… l’étiez… j’étais sous… votre… commandement… Juste… là… pour vous… conseiller.
— Et nous n’arrivions à rien de bon. Jusqu’à l’intervention de ce cavalier noir, répondit Sillery.
— Contez-nous donc cela, demanda Rose, les yeux étincelants.
— Pas grand-chose à raconter, Madame : l’Espagnol ne voulait pas céder ; jusqu’à ce qu’un de leurs diplomates que l’on savait être un grand prévaricateur se retrouve égorgé un matin, avec un message dans la bouche.
— Et que disait ce message ? demanda Pharamond en souriant à l’adresse de son père.
— Que tous les Espagnols ayant des choses à se reprocher subiraient le même sort si les négociations n’aboutissaient pas rapidement.
— Vous disposiez donc là d’un renfort précieux…
— Hélas, c’était il y a bien longtemps : le cavalier noir n’est plus qu’un souvenir.
— Je crois… que vous… vous trompez… Sillery, reprit ...
... malicieusement Aldemar. Il y… a des souvenirs… qui resurgissent… parfois quand… les temps… sont venus.
— Qu’entendez-vous par là, mon ami ?
— J’entends… que mon fils… vous accompagne… au Louvre… Il connaît… bien l’art… qui est… le vôtre… Je l’ai… formé… en tout.
— Vous voulez dire que…
— Que je suis au service du roi, répondit Pharamond en souriant.
On partit donc dans la fraîcheur du petit matin de ce début d’avril 1617. Nicolas Brulart de Sillery portait encore beau malgré ses soixante-trois ans bien révolus. Le cheveu fourni, le visage un peu émacié, une moustache et une barbe bien taillées le faisaient ressembler à son ancien maître, Henri de Navarre. Diplomate et soldat aguerri, les longues et difficiles chevauchées ne lui faisaient pas peur. Et son humeur toujours égale le rendait un compagnon de voyage tout à fait charmant. Il savait tout ce qu’il devait depuis longtemps à Aldemar de Merville, de presque dix ans son aîné. Seul le hasard de la naissance en avait fait un personnage plus important. Mais l’audace, l’esprit de décision du vieux comte lui avaient toujours été d’un précieux secours dans les moments difficiles. Et il était heureux que Pharamond se soit joint à lui.
Pharamond cependant était d’une nature très différente de celle de son père. Plus tacticien que stratège, il s’encombrait rarement de vues à long terme. Pour lui, une porte devait soit être ouverte, soit fermée. L’entrebâillement représentait une incertitude qu’il supportait difficilement. C’était un ...