Aventuriers et diplomates
Datte: 24/11/2020,
Catégories:
nonéro,
historique,
Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe
... de le souligner – dans une réjouissante bonne humeur, et étaient souvent le préambule à de tendres siestes en début d’après midi… ou plus tard, les roses de la vie pouvant être cueillies à toute heure du jour comme de la nuit.
Mais le destin n’abandonne jamais ses projets, qu’ils soient heureux ou bien funestes. Et puisque la lettre de Luynes n’était pas arrivée à destination, il avait décidé d’envoyer un autre messager.
L’Histoire, la grande (comme on dit), ne retient souvent pour le grand public que les faits principaux. Elle nous donne quelques repères, quelques pistes, mais en oubliant trop souvent de nous faire part de ce qui se trame dans les arrière-cuisines ou dans les corridors, ce qui la rend souvent mystérieuse et injuste vis à vis de personnages dont la participation aux grands événements est essentielle. Nicolas Brulart de Sillery faisait partie de ces personnages essentiels. Qu’on en juge part quelques-unes de ses actions…
Aux côtés d’Aldemar de Merville, il avait été membre de la diplomatie secrète d’Henri III, puis de celle d’Henri de Navarre. Il avait négocié, entre autres, la paix de Vervins entre la France, l’Espagne et la Savoie, puis obtenu du pape l’annulation du mariage entre Henri IV et la reine Margot. Louis XIII lui devait donc déjà d’être vivant… Et sans Nicolas Brulart de Sillery, l’Histoire de notre pays n’aurait donc pas été ce qu’elle fut. Il faut bien parfois rendre justice aux hommes de l’ombre, et les mettre un instant dans la ...
... lumière qu’ils méritent.
Répondant à l’appel de Luynes, Sillery devait passer par le domaine de Pharamond, dont il était le parrain et à qui il décida de rendre visite. On imagine donc sa joie, sa surprise et la chaleur des retrouvailles qui eurent alors lieu… Il fut convenu qu’il passerait la nuit au domaine, et le repas du soir fut prétexte à une longue conversation au cours de laquelle Sillery évoqua le projet de Luynes ainsi que quelques souvenirs.
— Ainsi, Luynes vous informe que Louis sera bientôt le roi « dans les actes ». Qu’entend-il par là ? demanda Pharamond.
— Vous connaissez comme moi les doubles sens du langage diplomatique. On peut supposer deux choses : la première, c’est que Marie a décidé de s’effacer ; la seconde, que le jeune roi a décidé de l’effacer.
— Pensez-vous qu’il ferait du mal à sa propre mère ? s’effraya Rose.
— Que non pas… bien qu’il ne l’aime guère. On raconte qu’un matin, il y a quelques années, cette dernière lui avait fait donner le fouet. L’après-midi, lorsque Louis entra dans son cabinet, sa mère lui fit une révérence comme à l’accoutumée, et le jeune roi répondit sèchement devant tous : « Moins de révérences, Madame, s’il vous plaît… et un peu moins de fouet ! »
— Mais alors, qu’entendez-vous par « l’effacer » ?
— L’écarter du pouvoir, elle et cet aventurier de Concini.
— Et comment s’y prendrait-il ? Il n’a que seize ans, et il est si seul…
— Il n’est pas seul, Madame. Il a avec lui tous ceux qui détestent la reine, et tous ceux ...