CHAPITRE 9 : Retrouvailles
Datte: 16/11/2020,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
Auteur: Cramache, Source: Hds
Le père de Sylvain est mort, il a fait une crise cardiaque. C’est moi qui l’ai dé-couvert. Je venais le voir parce que je n’avais plus de nouvelles depuis trop long-temps. J’ai fait le nécessaire pour qu’on récupère son corps. Je me trouve alors devant un choix cornélien : appeler Sylvain ou laisser un inconnu lui annoncer la mort du seul parent qui lui reste. J’ai récupéré son numéro et son adresse dans les affaires de son père, je n’ai pas beaucoup de temps. Je pèse le pour et le contre, en refusant de voir la réalité en face. J’ai la trouille de lui parler et qu’il me rejette. Je respire un bon coup, et je compose son numéro.
-Allo ?, répond-t-il et je reconnais tout de suite sa voix suave.
-Sylvain, c’est moi, Loïc, je suis désolé de te déranger.
-Loïc ?, panique-t-il. Comment vas-tu ?
-Pas mal. J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer, ton père est mort cette nuit.
-Quoi ?, s’exclame-t-il. J’arrive dès que possible. Loïc, merci de m’avoir prévenu.
-C’est la moindre des choses. Tiens-moi au courant pour l’enterrement.
-Pas de soucis, je dois filer. Au revoir.
Il raccroche avant que je puisse répondre. Je reprends mon souffle, les joues baignés de larmes. Je pleure sur la mort de Maurice, sur la mort de mon couple, de mon cœur. Mon portable vibre, c’est un SMS : « Merci pour tout ». C’est Sylvain, et je me dis qu’il y a peut-être un petit espoir. Ragaillardi, je vaque à mes occupations, et surtout je prends soin de mon apparence. J’avoue m’être ...
... négligé ces dernières semaines, je ne me suis pas souvent rasé et je sens un peu le fauve. Mes vêtements aussi sont sales et déchirés. Comme je suis en congés, ce n’est pas très grave. Je me lave soigneusement, et j’enfile une tenue confor-table. De toute façon, je ne le verrai pas avant le lendemain.
Pour une fois, j’ai faim, je fixe mon frigo d’un regard consterné. Il est vide, sauf du beurre rance. C’est pire que de la négligence, c’est comme si j’avais sciemment cessé de vivre. En y regardant de plus près, mon appartement est un parfait reflet de ma situation : triste et décrépi. Il serait temps de revivre un peu, je me dis, ou au moins de faire quelques travaux de refondation. Je sors manger un morceau et je fais un tour au magasin de bricolage.
La vue de tous ces outils, l’odeur du bois, bref, tout cet univers dédié au travail manuel me réchauffe le cœur. J’ai oublié ma passion pour le bois, et je réalise que je n’ai pas mis les pieds dans mon atelier depuis deux ans environ. Je conti-nue à payer la location et les charges, mais je n’ai plus mes belles idées. L’inspiration m’a quitté. Je vais voir les essences de bois et je passe la main pour en sentir la douceur. Quelque chose remue timidement en moi, un écho de l’ancien moi qui cherche à me rappeler ma joie quand je sciais une planche ou je passais de la laque dessus. J’essaye de l’attraper à pleine pour l’aider à s’extirper de la vase dans lequel il est collé.
Hélas, je n’ai pas la force et il m’échappe. La vase ...