Philosophie du plaisir (1) : Epicure
Datte: 24/04/2018,
Catégories:
A dormir debout,
Auteur: Olga T, Source: Hds
... revient, et c'est le retour de la fureur... »
C'est donc l'échec. Sans compter que « notre vie se passe à obéir à la volonté d'un autre ». La passion amoureuse nous conduit à négliger nos devoirs, à dilapider notre fortune, à vendre nos biens pour l'être aimé, à nous torturer « lorsqu'elle (l’aimée) lance trop de regards ou qu'elle en fixe un autre, ou encore lorsqu'elle ébauche un sourire moqueur ou bien lâche un mot qui nous met dans l'incertitude ». Aussi faut-il « ne pas tomber dans le piège ».
Nous croyons l'être aimé, la passion nous aveugle et nous cache ses défauts. Nous le croyons irremplaçable, et pourtant : « Il n'en est pas moins vrai qu'il existe d'autres femmes, pas moins vrai que nous avons vécu sans elle jusque-là, pas moins vrai qu'elle fait, nous le savons, tout ce que fait la laide ».
Mais Lucrèce est bien obligé d'admettre que « l'amour n'est pas toujours feint, qui fait soupirer la femme quand elle enlace un homme, joint son corps au sien et imprime des baisers humides sur ses lèvres ». Ainsi « c'est souvent avec sincérité que la femme agit, recherche des jouissances partagées, invitant l'amant à parcourir toute la piste de l'amour ». Mais il ne s'agit là que d'un amour physique, de sincérité corporelle, si l'on peut dire. Aucune spiritualité n'y est présente. L'amour, chez les épicuriens, c'est essentiellement le fait du corps.
Le poème s'ouvre sur un hymne à la Vénus-voluptas, la déesse présidant à la reproduction et à la sexualité des ...
... animaux, sexualité heureuse car elle ne connaît pas la souffrance. Il en va tout autrement de la sexualité humaine. Déjà, dans les premiers âges de l'humanité, elle est marquée par la ruse et la violence. Vénus réunit le corps des amants qui cèdent «soit au désir partagé, soit à la force violente et à l'élan de l'homme en rut, soit au prix que constituaient des glands, des arbouses ou des poires pour elle» (De la nature). Mais les hommes se sont amollis en se civilisant. Ils ont surtout développé un goût pour les arts, notamment pour la musique pastorale qui leur a procuré une volupté jamais dépassée, et qui a, pour leur malheur, conduit les hommes à associer plaisir et nouveauté. Là se trouve l'origine d'une des déviances du genre humain: l'incapacité à limiter son désir, incapacité qui a pour effet de brouiller le rapport de l'homme à la volupté vraie.
Ce brouillage du rapport au plaisir véritable se trouve particulièrement illustré dans le cas de l'amour. Pour Lucrèce, l'amour est avant tout une construction mentale, un fantasme, un simulacre qui, se greffant sur le phénomène physiologique et naturel du désir sexuel, tend à dégénérer en maladie. Au départ, il y a le phénomène naturel: lorsque l'homme devient adulte, il se forme en lui une semence qui est objet d'excitation et «ce qui fait sortir la semence humaine hors d'un être humain est uniquement la force exercée par un être humain», lequel est soit un jeune garçon ressemblant à une femme, soit une femme. En passant, on ...