1. 55.3 La dernière fois que Jérém est venu chez moi.


    Datte: 24/04/2018, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    ... effet ; Jérém voit rouge, aussi rouge que moi un peu plus tôt, aussi rouge que le sang qui coule de son nez, qui éclabousse son torse et laisse des traces sur son jeans et sur le carrelage.
    
    Je le vois charger comme un taureau, et je sais que ça va faire mal. Je suis tellement dégouté par la tournure que sont en train de prendre les choses, dégouté que ce soit par ma faute, d’avoir frappé en premier, que je n’ai même pas le réflexe de tenter de me protéger le visage : lorsque son droit à lui me percute, je ressens une douleur aigue se propager depuis le milieu de mon visage, jusqu’à l’intérieur de ma tête.
    
    Non, je ne me suis jamais battu auparavant : je réalise à cet instant à quoi font référence les petites étoiles qu’on voit tourner autour de la tête des personnages de dessin animés lorsqu’ils prennent un coup au crane ou au visage.
    
    C’est le goût bizarre du sang sur mes lèvres qui me fait pleinement réaliser que je viens de me faire frapper par le garçon que j’aime ; ce garçon dont le goût viril persiste dans ma bouche, le garçon qui, quelques minutes plus tôt, m’a rempli de sa semence. C’est triste à en pleurer.
    
    « T’es vraiment qu’un gros con qui ne sait pas assumer ce qu’il ressent dans son cœur… » je lui crie en pleurant.
    
    Sa réaction ne se fait pas attendre :
    
    « Et toi, t’es vraiment qu’une petite merde ! ».
    
    « Dégage connard ! ».
    
    « Oh, oui, je vais dégager, t’inquiète, mais toi aussi tu vas dégager, tu vas dégager de ma vie ! ».
    
    Ses mots sont ...
    ... sans appel, et ils me rendent malade. Mais il est d’autres mots qui s’enchainent aux siens et qui vont me rendre encore plus malade.
    
    « Qu’est-ce qui se passe ici ? » j’entends une voix familière s’écrier.
    
    Je lève les yeux : maman vient de débarquer.
    
    « C’est quoi tout ce sang ? » elle s’inquiète, en voyant le carrelage tâché.
    
    « C’est rien, un petit accident, rien de grave, madame… » fait Jérém.
    
    Maman le regarde, puis me regarde fixement, les yeux écarquillés, le regard anxieux.
    
    Je regarde Jérém se baisser pour ramasser sa chemisette sur le carrelage et la passer très vite autour de son torse, tout en essayant de tamponner avec la main son nez qui n’arrête pas de pisser le sang.
    
    Jérém accroche deux boutons à la va vite, et il se précipite vers la porte d’entrée. Dans mes tripes, je ressens malgré tout l’instinct d’essayer de le rattraper, une fois encore ; je sais que si je lui laisse passer cette porte, ce sera vraiment fini entre nous. Mais mon corps ne suit plus ; je suis à bout de forces, physiquement, moralement.
    
    Jérém saisit la poignée, la fait tourner, il commence à tirer le battant ; et là, au lieu de partir comme une fusée, il marque une pause ; un instant de rien, le temps d’un regard qui en dit plus que mille mots.
    
    Je le vois tourner la tête vers moi, planter ses yeux dans le miens : son regard noir a soudainement disparu, pour laisser la place à un regard perdu, rempli de désolation, de détresse, et de chagrin ; ses yeux, ses narines ont ...
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