55.3 La dernière fois que Jérém est venu chez moi.
Datte: 24/04/2018,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
Auteur: Fab75du31, Source: Hds
... cette vibration conjointe comme lorsqu’on se fait violence pour ne pas céder à l’émotion.
Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer plein d’horreurs et son poing dans la figure, mais un garçon très malheureux ; pendant un instant, je me prends à rêver qu’il soit sur le point de me lancer un : « Je suis désolé », capable de soigner toutes mes blessures.
Il n’en est rien : Jérém finit pas détourner le regard et disparaît dans l’entrebâillement de la porte.
Oui, son regard était plein de tristesse ; et, au plus profond de moi, je ressens la ferme impression que Jérém a détourné le regard juste avant qu’ils ne soient pleins de larmes aussi.
Oui, c’est triste de se faire aussi mal l’un l’autre ; et de se rater de cette façon.
La serrure vient tout juste de claquer un dernière fois derrière le garçon que j’aime plus que moi-même ; je sens le désespoir m’envahir ; je ne peux me retenir, je fonds en larmes.
« Nico ! ».
C’est à cet instant précis que j’ai vu dans le regard de maman qu’elle avait tout compris, sans besoin d’un mot d’explication. Dans mes larmes, maman a su à quel point j’étais amoureux d’un putain de beau gosse qui me rendait terriblement malheureux.
« S’il te plaît, maman… laisse-moi seul… je vais nettoyer… je viendrai te parler plus tard… ».
« Tu veux pas que je t’amène voir un toubib ? ».
« Non, maman, ça va aller, c’est rien, vraiment… » je tente de minimiser, en étant rassuré moi-même par le fait ...
... que mon nez ne saigne pas trop.
« Comme tu voudras, Nico, je serai dans la cuisine… ».
Je vais dans le cellier chercher un seau et une serpillère ; je reviens nettoyer les dernières traces du passage de Jérém chez moi ; à chaque tâche effacée, je me demande pourquoi on en est arrivés là, comment j’en suis arrivé à frapper le garçon que j’ai envie d’aimer plus que tout au monde.
Je sais que je ne le reverrai plus jamais. Je nettoie et je pleure, en pensant à la solitude terrifiante de ma vie sans lui.
La douche me fait du bien : mais je suis toujours aussi sonné, et mon nez me fait mal. Ça ne saigne plus. L’eau chaude a détendu mes nerfs, emporté mes larmes, je sens une fatigue immense me gagner, je me sens lessivé.
Il est 19h20 lorsque je redescends : il faut que je me dépêche d’aller voir maman, papa va rentrer d’un moment à l’autre.
Lorsque j’arrive dans la cuisine, elle est en train de préparer une grande salade.
« Ça va, mon Nico ? ».
« Oui, ça va… mieux… » je tente de la rassurer, en prenant sur moi pour contenir mon émotion et ne pas laisser mes larmes jaillir à nouveau.
J’attrape un bocal et je commence à mélanger huile, vinaigre, sel et moutarde.
« C’est qui ce garçon ? ».
« C’est un camarade du lycée… ».
« Pourquoi vous vous êtes disputés ? ».
« C’était juste pour une bêtise… ».
« Vous vous êtes battus, quand-même ! ».
« C’est rien je te dis… ».
« T’avais l’air vachement remué, mon Nico… et ton camarade aussi… ».
Une ...