1. Rhapsody in blue - Fin


    Datte: 17/10/2020, Catégories: fh, nonéro, regrets, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... miennes m’apparaissent brouillées comme une purée de pois au bord d’un quai londonien ?
    
    J’en reviens toujours à me demander si ce que nous avons vécu ensemble ces derniers jours a un sens. J’ai partiellement compris que je voulais te donner, me donner à toi peut-être, que j’avais toujours voulu le faire, et que, fidèle à toi-même, tu n’avais jamais rien voulu recevoir de moi. Pour les raisons évidentes que j’ai exposées. Tu m’as refusé comme on refuse un dessert chargé à la fin d’un frugal repas.
    
    D’un autre côté, j’ai compris que le problème principal, à savoir le malaise qui m’a saisie et ne m’a plus quittée, venait probablement de moi. À l’origine. Parce que je ne suis plus vraiment moi ? Bon, d’accord, ça paraît idiot, mais ça ne l’est pas. D’autres ont été beaucoup plus loin dans la théorie d’être étranger à soi-même. J’ignore si l’homme est constamment, et nécessairement étranger à lui-même, comme l’ont prétendu plusieurs philosophes existentialistes. J’ignore de surcroît si cela fait partie d’une sorte de malédiction pesante sur l’homme pour la seule raison qu’il possède une conscience.
    
    Je ne m’embarque pas dans des réflexions aussi périlleuses, car je ne les maîtrise pas.
    
    Le doute vient plutôt de mon expérience, de mon vécu, du regard que j’ai sur moi, du regard que tu as sur moi, du regard que les autres ont sur moi d’une manière générale. Une sorte de décalage qui m’empoisonne l’existence. Il faudra que je me penche sérieusement sur la question ; dès ce ...
    ... soir peut-être, quand j’aurai mon corps, mon esprit, pour moi toute seule ; autrement dit, lorsque tu dormiras.
    
    Un détail me revient soudain en mémoire. À l’époque où j’ai commencé la fac, je connaissais un barman très sympa, avec qui je m’entendais plutôt bien. C’était malheureusement après ton départ, donc pendant ma douleur de te perdre… de t’avoir perdu. Même si on ne peut pas perdre ce qu’on n’a jamais possédé, n’est-ce pas ?
    
    Un jour, il m’a parlé du perfide questionnement qu’il se posait sur moi, et peut-être que tout le monde se posait sur moi. Il m’a dit, dans une sorte de reproche étonné et sincère – comme s’il venait juste d’y penser à l’instant – que plus nous nous rapprochions, tous les deux, et plus il avait l’impression que je mettais de la distance entre nous, et moins il avait la certitude de me connaître.
    
    Se donner est une chose rare. On peut donner quelque chose de soi, mais se donner entièrement c’est l’assurance de se faire connaître entièrement ; or, ce don n’est ni évident, ni gratuit. Personne n’est prêt à faire ce sacrifice s’il y a un risque de tout perdre. On se donne toujours lorsqu’on est sûr de recevoir.
    
    Mais je n’étais plus sûre de recevoir de quiconque, après toi, alors j’ai attendu très longtemps avant de me donner une nouvelle fois…
    
    Ceci dit, il y a une grande part de mystère dans cet échange donner-recevoir. Donner implique recevoir parce que ce sont les deux côtés d’une seule et même action, les revers pile et face d’une pièce ...
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