Rhapsody in blue - Fin
Datte: 17/10/2020,
Catégories:
fh,
nonéro,
regrets,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... regards anonymes, où rien de ce qu’on y décèle ne nous ressemble. Dans ces yeux-là, on se disperse, on s’interroge, on s’ignore. On s’y reflète en une multitude d’éclats, à l’infini, et on perd un peu plus de soi à chaque regard. Comme dans un miroir aux alouettes.
Il y a des regards qui ne me voient que comme une étrangère. Qui m’observent sans comprendre. Qui m’effleurent sans chercher. Qui me jugent sans connaître. Sans reconnaître. Dans ces yeux-là, je sais que je n’y ai pas d’identité. Que je peuxtout être, saufmoi. Ce que j’y vois, c’est la brillance de l’inconnu. J’ai l’impression d’être à part, d’être exclue,d’être exactement ce que suispour cette personne : une étrangère.
J’aime tes yeux, Michael. C’est fou comme je peux aimer les yeux d’une personne, et détester le regard qu’elle a sur moi. Dans tes yeux, Michael, il n’y a pas d’harmonie entre ce que je suis, la manière dont tu me vois, et ce que je suis pour toi. Tu me regardes de haut, parce que je suis à un échelon trop bas pour toi.
C’est ce qu’on mérite, à force de vivre au milieu, entre le ciel et les bas-fonds de l’humanité. Si tu chutes, des gens comme moi te rattrapent ; si je chute, je tombe directement là où personne ne peut me rattraper sans me voler ce que je suis.
Voilà pourquoi j’ai tellement changé, depuis trois ans. J’ai bâti une Eva différente pour pouvoir enfin, un jour, entrer dans tes yeux par la grande porte. Sortir de l’hôtel. Me sentir chez moi.
Mais comment se sentir chez soi ...
... quand on ne sait même plus qui on est ?
Nous nous sommes rendormis jusqu’à dix heures. Ensuite, comme nous sommes dimanche, nous avons traîné en pyjama toute la matinée, et j’en ai profité pour boucler ma valise.
Nous sommes allés déjeuner dans un petit restaurant, pour rendre moins pénible mon départ, sans doute.
Nous finissons l’après-midi sous les néons du soixante-treizième salon international de l’automobile. Je mitraille tout et n’importe quoi, impressionnée par ces superbes voitures rutilantes, qui parfois, ne ressemblent plus du tout à des voitures.
Tout cela a beau ne pas être réel selon toi, je capte dans ton regard le reflet de ta peur, de ton cœur qui se serre.
Le danger est là, n’est-ce pas, Mike, je sais que tu le sais. Une fois qu’on s’est habitué à la présence de quelqu’un, c’est difficile de revenir à sa solitude. Mais il y a là un paradoxe existentiel, puisque notre solitude est évidente, mais dérangée. Nous ne sommes pas vraiment seuls, nous dormons avec notre passé. Tu le comprendras un jour, toi qui ne désires que le présent, toi qui quittes tout et tout le monde pour te sentir libre.
Tu comprendras un jour que tu es enchaîné à tous ceux à qui tu as dit adieu. Le temps fait de nous des êtres subtils que nous n’aurions pas voulu devenir. Tu voulais être loin et libre. Officiellement, tu l’es. Mais ces gens à qui tu as fait mal te gardent dans leur mémoire, d’ailleurs tu sais que tu y es; c’est ce qui rend la liberté à peine supportable, ...