1. Saint Matthieu et l'ange


    Datte: 15/10/2020, Catégories: fh, hplusag, religion, Collègues / Travail revede, pénétratio, Auteur: Lizbeth, Source: Revebebe

    ... et violet, tout a une résonance. Je déglutis et me frotte les yeux. Stupide courant d’air. Je me lève pour bloquer les volets et fermer le livre mais avant ça, mon regard se pose sur les lignes imprimées. La page est cornée et une phrase est soulignée.
    
    Oui, tu es poussière et à la poussière tu retourneras.
    
    Un frisson. Je tourne les pages, presque curieuse. Une bourrasque de vent termine le travail.
    
    Je te rencontrerais dehors, je t’embrasserais : cependant les gens ne me mépriseraient pas. Tu m’initierais. (Cantique des Cantiques – 8:1)
    
    « Tu m’initierais ? » Je lève les yeux au ciel et pose lourdement mon ordinateur sur le bouquin rebelle. Dehors, les grillons continuent leur litanie.
    
    Je finis par m’endormir lourdement, mon polochon serré contre la poitrine et la bouche entrouverte.
    
    —ooOoo—
    
    En général, je me réveille très tôt. Peut-être vers cinq heures, cinq heures trente. C’est aussi à ce moment-là que les mésanges sortent de leur sommeil et vous empêchent d’y replonger. Ce matin-là, une idée me prend. Je vais aller assister à « prime ». La dernière fois que je me suis rendue à la messe, ce devait être avec ma grand-mère. J’avais tout au plus cinq ans.
    
    Il fait toujours très beau, ici. On sent que la journée va être ardente : l’air est déjà tiède. Je m’active et passe un gilet sur mes épaules. L’église est à une centaine de mètres de l’hôtellerie. Si tôt le matin, on est seul, et on a facilement cette impression de connaître toute la vérité sur le ...
    ... monde. Je remplis mes poumons en passant près d’une grosse lavande qu’un seul bourdon butine frénétiquement, comme pour prendre de l’avance sur ses congénères. Les pins et les oliviers me parleraient presque. J’ai l’air niais et je le sais.
    
    Soudain, une masse sèche vient heurter le dessus de mon crâne. La pomme de pin tombe sur le sol, à moitié grignotée, et j’ai à peine le temps de lever les yeux pour apercevoir la queue rousse de l’écureuil qui a manqué de m’assommer. Moi qui me croyais assez privilégiée pour nager dans la plénitude sans limite d’une communion avec l’entité supérieure terrestre, ce sera pour une autre fois.
    
    Dans l’abbatiale, tous les moines sont rassemblés, chacun sa stalle. Je m’installe au fond de la nef. Deux retraitants sont déjà là, dont une dame tellement âgée qu’on dirait qu’elle pourrait tomber en poussière au moindre sursaut. J’observe le prêtre qui se prépare, puis mon regard dérive sur frère Matthieu. Il est placé sur un côté. Ses yeux ont toujours ce bleu aussi intense, même de loin, et ses cheveux sont celui d’un homme qui attend que la journée les coiffe. J’ai un sourire. Lui aussi : il chuchote à l’oreille d’un frère que je ne connais pas. Ce dernier est juché sur la pointe de ses pieds pour l’écouter. Frère Matthieu est grand. Puis il hoche la tête et s’assoit.
    
    Finalement, c’est une messe comme une autre. Une messe comme avant. Ennuyeuse, quoi. Pas de transe mystique. Mes paupières s’affaissent et je regrette mes draps. Ma mâchoire est ...
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