1. Saint Matthieu et l'ange


    Datte: 15/10/2020, Catégories: fh, hplusag, religion, Collègues / Travail revede, pénétratio, Auteur: Lizbeth, Source: Revebebe

    ... et vient s’asseoir sur ma gauche. Sa tunique paraît étonnamment blanche.
    
    — Le café du soir, c’est mon seul vice, se justifie-t-il.
    
    Il sent la menthe sauvage. Ou peut-être est-ce l’odeur du soir qui tombe. Les cigales ont repris leur musique de chambre, un ton plus bas, un ton plus intime.
    
    — Je peux éteindre ma cigarette, si ça vous gêne.
    — Pas de problème. J’aime assez l’odeur de la cigarette. Elle me rappelle ma jeunesse.
    
    Il a un sourire dans la vapeur de son café.
    
    — Noviciat tardif ? me hasardé-je.
    — Trente ans. Pas d’éclat de foi subit, pas de transe : seulement un choix de la raison, s’il en est. J’aime beaucoup cette vie et cet endroit.
    
    « Fais gaffe : il paraît que la moitié des moines, c’est des repris de justice. »
    
    Il repose sa tasse sur la table et croise ses doigts sur sa ceinture épaisse. Il y a, dans l’azur de ses yeux, cette lueur surnaturelle qui m’impressionne. Je baisse le regard, mon cœur bat fort.
    
    Frère Maxence s’approche d’un pas assuré et me salue d’un hochement de tête. On va sonner complies. Des retraitants se dirigent déjà vers l’église. Frère Matthieu termine son café et se lève, puis me souhaite la bonne nuit.
    
    Avec certains des frères, qui me semblent forcer le trait, j’ai du mal à occulter l’homme dans le moine. Certains me font même penser à des pastiches.
    
    Avec frère Matthieu, c’est différent : je vois surtout beaucoup de lumière.
    
    —ooOoo—
    
    Ma cellule est étroite, au premier étage, et elle ouvre sur le parc : ...
    ... comme toutes les cellules ici. Les murs sont peints couleur crème. Une croix sobre, en bois d’olivier, est accrochée au-dessus de mon lit. Dans un coin, il y a un petit bureau et une Bible que je n’ai jamais ouverte ; dans l’autre, un lavabo et des WC. Les douches sont dans le couloir.
    
    Tout est fait pour être rassurant, mais j’ai toujours cette appréhension de la solitude, le soir.
    
    La nuit tombe sur les chênes et les étoiles s’éveillent, encore timides. Je lève le regard par la fenêtre. Vega fait des clins d’œil et le Scorpion a du mal à s’affirmer, couché aux pieds de la voûte céleste. Un moustique me rappelle à la réalité et je me gifle l’oreille. Des pas dans le couloir ; je crois voir une ombre blanche, une porte se ferme. Aucune porte ne claque, ici. À part la mienne, parfois.
    
    Je m’allonge sur le lit. Je pense souvent au corps. Je pense souvent aux attractions entre les corps. Il m’arrive même de ne voir les autres que comme des corps inter-reliés. Je commence à somnoler. Tous ces corps sont liés et tous s’attirent. Un courant d’air tiède vient frôler ma gorge. Je sursaute et ouvre brusquement les yeux. La pièce est vide. Je sens une présence. Tous ces corps sont liés.
    
    L’angoisse me saisit alors que je sombre. Nous sommes tous des corps. Un corps, ça se blesse, ça se mord, ça se caresse, ça pourrit, ça meurt. Ça nourrit. Ça revit.
    
    Un murmure. Je me redresse brusquement. Silence. Sur le bureau, devant la fenêtre, la Bible est ouverte. La nuit, tout est étrange ...
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