Les moches sont les pires des salopes
Datte: 11/10/2020,
Catégories:
fh,
couleurs,
complexe,
laid(e)s,
ffontaine,
Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
... tressaillis. Elle venait de franchir le seuil du restaurant et, sans le moindre regard alentour, fonça en clopinant vers sa place habituelle. Elle était habillée de son tailleur anthracite aussi élégant que maussade, d’un chemisier blanc impeccable, de chaussures noires à talons plats et d’un… haïssable collant écarlate. Elle s’installa presque en vis-à-vis et se mit à fouiner dans son sac pour en tirer son téléphone, ce qui me fit augurer un interminable coup de fil. Il n’en fut rien et il me sembla même, qu’au contraire, elle le désactivait. J’aperçus encore la fausse et prétentieuse émeraude qui décorait son annulaire. Avait-on idée d’étaler dans la vie quotidienne une gemme aussi démesurée qui, accompagnée d’un collant rouge, la hissait à un summum du mauvais goût ? Elle passa rapidement sa commande et je pus percevoir des bribes de ses échanges avec le serveur. Je fus agréablement surpris par la musicalité de sa voix, très mélodieuse, un peu grave mais onctueuse et doucement suave tout en étant ferme et posée, relevée d’un accent strident, une note allègre et acidulée qui en révélait la féminité à la chute des phrases.
Pendant la durée du repas, je ne cessais de l’épier force petits coups d’œil furtifs. Je m’arrêtai d’abord à ses mollets, deux bouteilles de champagne renversées dont le fameux collant, trop distendu au niveau des genoux et presque flasque sur les chevilles, soulignait l’entonnoir. Ses bras, par contre, s’accommodaient plaisamment de leurs rondeurs ...
... qui tendaient une peau magnifique, lisse et satinée, exempte de toute pilosité. Privée de la prétentieuse bague, ses mains rondelettes semblables à celles des enfants, aux doigts courts et renflés, auraient été admirables. Je subodorai enfin une poitrine ferme et superbement proportionnée, un brin insolente, équilibrée et dépourvue de toute lourdeur. Je remarquai finalement sa bouche, volontaire, aux lèvres bien dessinées, à peine charnues. Certes, elle était grassouillette, mais harmonieusement, sans disparités ni plaques adipeuses bouffies de cellulite ou de bourrelets gonflés de masses graisseuses. Elle m’évoquait infailliblement ces belles des temps jadis, empâtées dans leurs chairs saines et voluptueuses si bien peintes par Boucher.
Ce laideron n’avait donc pas tous les défauts et disposait même de quelques atouts magiques. Plusieurs fois, je la soupçonnai de me fixer de son regard inquisiteur mais affable dès que je lui tournais le dos. La culpabilité née de ce pari imbécile trois semaines plus tôt me hantait, et malgré mon envie de faire sa connaissance, je n’osais l’aborder. Elle avait déjà pris son café et appelé le garçon pour régler sa note quand je repérai qu’au lieu de payer, elle ne faisait que signer son addition. Elle avait donc une ardoise dans la maison qu’elle devait solder dans les périodes fastes de début de mois. Je désespérais trouver prétexte pour l’entreprendre quand un mouvement trop vif lui fit déverser une large part de son sac à main sur le ...