Les moches sont les pires des salopes
Datte: 11/10/2020,
Catégories:
fh,
couleurs,
complexe,
laid(e)s,
ffontaine,
Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
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— Les moches sont les pires des salopes !
Cette affirmation émanant d’un André quelque peu aviné nous fut assenée, péremptoire, sans davantage nous surprendre de sa part, mais à force, je ne pouvais plus entendre ces déclarations comme de simples forfanteries et celle-ci provoqua en moi un réel malaise.
Une fois de plus, un vendredi nous réunissait tous trois en ces agapes qui éclusaient une part de nos RTT autour d’un repas plus plantureux que somptueux, plus arrosé que gastronomique, plus grivois que sérieux, dans notre brasserie préférée située à l’épicentre de nos lieux d’exercice professionnel. Nous nous étions liés de camaraderie – à moins qu’il ne faille dire de polissonnerie – en prépa, puis avions réussi des concours différents, mais tous prestigieux, qui après quelques années d’études nous avaient valu des postes avantageux ouvrant normalement à des carrières brillantes. Nous entamions en célibataires hardis une trentaine orgueilleuse et confiante qui nous faisait toiser le reste de la société avec commisération, convaincus que nos états de service brillants nous assureraient bonheur et réussite, sans que nous ne sachions trop bien toutefois ce que nous entendions par là.
Bref, nous étions trois petits roquets sûrs d’eux-mêmes, persuadés que le reste du monde n’existait que pour leur servir de marchepied, n’était destiné qu’à porter leurs ambitions au pinacle, prêts à aboyer en toutes circonstances et à mordre à l’occasion. Nous ...
... avions fait de nos conquêtes féminines – et du mépris que nous leur portions – l’aune tangible de nos succès. Ces vendredis étaient ainsi voués à cette autocélébration qui, après nos libations, débouchaient infailliblement sur un cortège d’histoires salaces en lesquelles nous tenions le beau rôle, à condition de ne pas y regarder de trop près. Ce jour-là, André qui venait de rompre avec sa maîtresse en titre, se montrait particulièrement déchaîné et nous exécutait ses variations favorites sur le thème « toutes des traînées, une de perdue dix de retrouvées ». Yves venait de lui objecter que les choses n’étaient pas toujours aussi évidentes.
André s’emporta :
— Comment cela, pas évidentes ! Deux jours, qu’il me faut pour lever une nana ! Peut-être pas un canon, mais une petite bien bandante qui saura apprécier l’intérêt que je lui porte. Un jour seulement si j’y inclus les laides. Celles-là, on en fait tout ce qu’on veut pour le prix d’un seul sourire accordé. Trois grimaces, deux compliments bien troussés, elles sont si émues qu’un mec de ton acabit condescende à s’occuper d’elles que tu n’as plus qu’à les ramasser pour les fourrer dans ton lit sans autrement t’emmerder et elles te seront éternellement reconnaissantes d’avoir daigné les sauter.
Elles avalent tout, se dispensant de sourciller, et le plus drôle c’est qu’elles raffolent des compliments outranciers : plus c’est gros, mieux ça passe, et là je ne parle pas du calibre de nos engins. Un seul danger, mais de ...