1. Les moches sont les pires des salopes


    Datte: 11/10/2020, Catégories: fh, couleurs, complexe, laid(e)s, ffontaine, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... taille : elles ont une propension phénoménale à s’accrocher. Ne jamais leur laisser vos adresses, tant pis pour les frais d’hôtel, et vous inventez une interminable mission au bout de la Terre pour les décoller. Non, je le répète, les moches sont assez salopes pour faire feu de tout bois et se laisser baiser par quiconque leur prête attention.
    
    Yves cette fois le conforta, racontant une graveleuse aventure. Depuis quelque temps, leur suffisance – notamment concernant ces sujets – m’indisposait, et je ne pus m’empêcher de rétorquer que le fait d’être moche n’impliquait nullement celui d’être conne.
    
    — En effet, reprit-il, leur connerie n’est pas congénitale, mais les horribles sont à tel point affligées par leur tare que même les plus intelligentes perdent le sens commun dès qu’on fait mine d’apprécier leur beauté. Je me fais fort de basculer la plus futée d’entre elles avec une économie substantielle de boniments et de galanteries.
    
    Il balaya la salle d’un air rapace et avisa une jeune femme qui déjeunait seule à sa table, le regard perdu dans ses spaghettis à la bolognaise.
    
    — Vous voyez cette malheureuse poulette, là-bas, qui picore ses pâtes. Elle a absolument le physique de l’emploi et je vous parie une caisse de champ’ qu’en trois semaines nous parviendrons chacun à la coucher dans notre lit, à moins que l’un de vous ne préfère la trousser sous une porte cochère. C’est une habituée du vendredi en ces lieux où je l’ai déjà remarquée plusieurs fois. Allez, ...
    ... vendredi prochain j’attaque, Yves me relaiera huit jours plus tard et toi, Loïc, enfin tu compléteras la trilogie en dernier.
    
    Je scrutai un instant la jeune fille recroquevillée sur sa chaise, presque honteuse d’occuper tant d’espace.
    
    L’infortunée ne pouvait effectivement pas passer pour un modèle de beauté. Petite et boulotte, elle arborait un visage anguleux, des yeux caves et désolés, ainsi que des joues légèrement couperosées. Ses raides cheveux bruns coupés au carré accentuaient la sévérité de ses traits, tandis que son air maussade et humble la désignait comme la victime d’un sombre destin, la cible des acharnements du sort. Enfin, bien qu’il fût de belle facture, la morne raideur du tailleur anthracite duquel elle s’accoutrait, les chaussures noires sans talons, tout s’accordait à la poser en demoiselle à la triste figure, tout concourait à en faire un laideron caractérisé.
    
    Je rétorquai :
    
    — Je refuse absolument de me livrer à ces manœuvres perverses ; imaginez qu’elle prenne l’un de nous au sérieux.
    — Ah, te revoilà avec tes bons sentiments, mais je te répète qu’il ne s’agit que d’un jeu, d’une démonstration anodine, et que la garce se trouvera ravie de l’aventure et de nos queues.
    
    À ce moment la fille se leva, probablement pour se rendre aux toilettes, et nous constatâmes qu’elle claudiquait légèrement. André exulta :
    
    — Et voici qu’elle complète le brillant tableau en imitant mademoiselle de La Vallière ! Tes scrupules t’honorent, mon cher Loïc, mais ...
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