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Les moches sont les pires des salopes
Datte: 11/10/2020, Catégories: fh, couleurs, complexe, laid(e)s, ffontaine, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
... sentiments et m’émouvait alors profondément. Il m’engluait, comme une sève prégnante qui va cristalliser son piège d’ambre, sans que seulement on ne se doute d’être en ses rets appâtés. Longtemps il résonna dans mes entrailles, me contraignant à obtempérer. Noyé dans ces perplexités qui se firent rapidement mélancolies, la semaine me parut éternité. —ooOoo— Je fus ce jour-là premier à rallier notre lieu de rencontre où elle ne tarda guère à me rejoindre. Je perçus immédiatement un changement dans son attitude. Elle était moins aux aguets et affichait une confiance que je ne lui avais pas connue jusqu’alors. Cela se traduisait par un comportement plus délié et moins tendu. Elle s’était débarrassée de l’horrible bague, non sans peine car celle-ci avait laissé une empreinte profonde à son annulaire. Elle me prévint qu’elle ne saurait m’accorder que peu de temps et me demanda de le lui pardonner. La déclaration s’accompagna d’une moue interrogative que j’interprétai ainsi : « Je sais que vous avez mieux à faire de votre temps que de le gaspiller avec une laide infirme, et qu’au fond vous souhaitez me remercier de vous libérer de cette lourde présence, mais je vous serais infiniment obligée de me faire part de ces remerciements sous forme de pardon. » Cette susceptibilité à fleur de peau qui me contraignait à une rude surveillance de la moindre mimique et m’amenait à peser chaque mot dans son sens immédiat autant que ses implications bridait ma réactivité et fut le seul ...
... aspect pénible de nos échanges. Je lui expliquai qu’elle me donnait des leçons de vie que de vaines vanités m’avaient jusqu’à ce jour dispensé d’entendre, et que toute minute détournée se traduirait pour moi par une perte irréparable. Dès lors s’engagea une conversation roulant sur notre passé. Ce fut un échange de confidences débridées et elle m’interrogea beaucoup, sur mon travail notamment. Elle buvait toutes mes réponses avec avidité et son visage s’illuminait et s’arrondissait. J’avais déjà constaté et fus souvent appelé à revoir cette curieuse métamorphose qui dans les moments de passion ou de joie transformait sa face en atténuant la raideur de ses traits pour y substituer de charmantes rondeurs, tandis que sa couperose se dissipait. Elle me confia sa passion des lettres et de la musique tout en déplorant de ne pouvoir leur accorder que si peu de temps. Je lui demandai ce qu’elle lisait actuellement, et elle me répondit sans la moindre gêne que c’étaitL’amant de lady Chatterley. N’importe quelle lecture, je crois, m’eût fourni un tremplin pour d’autres questions, mais là je fus embarrassé. Je n’allais tout de même pas m’enquérir de ce qui la séduisait dans cette lecture et pourquoi ? Et comment ? Ce fut elle qui relança précisant que c’était une relecture et qu’elle ne se lassait pas du personnage de Constance. Voilà une héroïne en quête du fondamental qui n’est ni amour, ni sexe, pas plus l’addition des deux mais leur sublimation dans une entité qui les dépasse. Je ...