1. Le temps du pardon


    Datte: 08/10/2020, Catégories: amour, confession, nostalgie, regrets, Auteur: Jane Does, Source: Revebebe

    ... de l’internat, des mauvaises années de la guerre aussi. Mais elle a toujours refusé de nous dire pourquoi vous vous étiez éloignée d’elle.
    — C’est une bien longue histoire, vous savez… et je n’ai plus vraiment envie de me souvenir de ce qui nous a fâchés. Parfois dans la vie nos yeux ne voient pas les scènes de manière identique. Et ça crée des tensions, des brouilles.
    — Oui ? Elle en a beaucoup souffert de votre absence.
    — Je dois reconnaître que pour moi, ce fut si souvent la même chose. Et la revoir après tout ce temps, là dans ce… couchée comme ça… c’est terrible, surtout après tout ce que vous me dites de votre maman.
    — Je crois que vous savoir près d’elle en ce moment, ça doit la soulager et la rassurer…
    — Et vos frères ? Ils font encore leurs études ?
    — Non seulement Paul, le plus jeune. Il est en fac de droit à Versailles. C’est sa dernière année. Elle en était si fière.
    — Elle a eu de la chance d’avoir trois beaux garçons.
    — Et vous ? Vos enfants… ils sont grands sans doute également !
    — Je… je suis seule et je crois que je viens de perdre ce que j’avais de plus cher au monde. Je me suis toujours raccrochée au secret espoir qu’elle reviendrait me voir, me parler, que nous en finirions avec cette fâcherie inutile.
    — Elle aussi vous a attendue longtemps, jusque que dans ses derniers jours, je crois qu’elle n’avait qu’un seul espoir, c’était de vous voir apparaître dans sa chambre d’hôpital.
    — Je ne savais pas, je ne l’ai pas su… et le journal avec sa photo, ...
    ... c’est ainsi que j’ai appris… la triste nouvelle.
    
    Mes larmes sont montées spontanément et par pudeur le jeune homme s’est éloigné. Seule avec mon chagrin devant ton corps de femme. La seule personne qui ait trouvé grâce à mes yeux. Je crois que si je pouvais encore te le dire, je te le hurlerais, mon Adèle… Je t’ai aimée toute ma vie. Les hommes qui se sont succédés dans mes draps n’auront jamais su me donner ce que toi tu m’avais offert il y a tant d’années… Et dans mes pleurs, des images et des sons, des mots renaissent comme si je devais te voir mourir deux fois.
    
    Chacune de tes paroles ou des miennes est revenue du fond de ma mémoire. Et j’ai mal de ton départ. Pourquoi avons-nous été assez stupides pour croire que notre idéal se trouvait entre les bras d’une multitude de rencontres de hasard ? Il nous aurait suffi d’ouvrir les yeux, d’écouter nos cœurs parler et nous aurions su. Alors oui, les regrets sont violents et mon malaise trop profond pour que j’en guérisse.
    
    Je ne veux plus te regarder si livide, si inerte alors que dans ma tête tu es toujours si pleine de vie. Et puis je ne veux pas que tes enfants me voient pleurer devant ton cercueil. Non ! Tu mérites mieux que cette vieille peau qui se lamente près de ta dépouille. Tes obsèques sont mon dernier chemin de croix. La dernière station d’un sentier pavé d’imbécillités que j’ai multiplié au centuple par ignorance.
    
    Je te pleure alors qu’il est trop tard. C’est aux vivants qu’il faut dire les « je t’aime » ...
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