1. Premier chapitre


    Datte: 21/09/2020, Catégories: uniforme, revede, portrait, historiqu, Auteur: Sarah, Source: Revebebe

    ... corbeaux de mauvais augure, ils venaient annoncer à une veuve éplorée la mort de son mari, à une mère inconsolable le vain sacrifice de son enfant.
    
    Leur prochaine « victime » s’appelait Lindsay Donovan. Elle avait vu arriver la voiture et était sortie sur le perron. En voyant sortir du véhicule un militaire et un prêtre, elle sut ce qu’il allait lui être annoncé. Leur rôle était connu et leur visite redoutée. Ses mains se mirent à trembler et elle se revit jeune fille, voyant sa mère s’effondrer en larmes à la lecture du courrier lui annonçant la mort de son mari dans les tranchées françaises en 1917. Orpheline à quatorze ans, puis veuve vingt ans plus tard, lorsque la tuberculose emporta son époux, la laissant seule avec ses deux garçons. Et maintenant, un de ses deux fils chéris était mort, loin de chez lui, dans une île anonyme du Pacifique ou dans un village isolé de la Scandinavie. C’est le militaire qui s’adressa à elle :
    
    — Madame Donovan, l’armée des États-Unis d’Amérique a le regrettable devoir de vous annoncer le décès de votre fils, le 1ère classe Michael Donovan. Il a été tué…
    
    Elle n’entendait déjà plus. Ses jambes plièrent et elle s’effondra, terrassée par le chagrin. Le pasteur s’agenouilla à ses côtés et lui murmura de vaines paroles de réconfort. Son plus jeune fils, son Mike était mort ! Il était parti seulement un mois plus tôt, si fier de pouvoir suivre les traces de son frère aîné et de son grand-père. Sa plus grande crainte venait de se ...
    ... réaliser, elle n’avait pas pu protéger son enfant. Comme il avait dû avoir peur, si frêle, si petit, dans l’immensité de la jungle du Pacifique. Elle pensa à Rudy, son premier fils, son unique fils désormais. Elle voulait qu’il rentre à la maison, elle voulait le prendre dans ses bras, comme il sera triste lui aussi quand il apprendra que son petit frère était mort. Qui pourra le consoler là-bas, dans le froid hiver russe ? Elle réalisa que les deux hommes l’avaient relevée et la saluaient. Déjà, ils repartaient dans leur funeste convoi, accomplir ailleurs leur besogne macabre. Elle leur en voulait à ces oiseaux de malheur, qui venaient lui annoncer cette horrible chose et qui repartaient. Le véhicule repartait et elle savait que déjà ils avaient enlevé leurs masques de compassion et qu’ils reprenaient leur discussion, comme si plus rien ne pouvait les toucher.
    
    — Combien de temps crois-tu que tu pourras faire ce sale boulot George ? demanda Gary après de longues minutes de silence.
    — Je crois que cela fera toujours partie de mon quotidien, répondit le pasteur sans quitter des yeux les plaines enneigées qui défilaient devant eux.
    — Chaque fois, cela m’est plus difficile. J’espère que cette guerre prendra fin rapidement, je le souhaite ardemment.
    
    Il s’enferma à son tour dans le silence et contempla le paysage blanc et froid. L’hiver battait son plein et durerait encore au moins deux mois. Rien à voir cependant avec les températures polaires que devaient affronter les troupes ...
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