SDF...
Datte: 20/08/2020,
Catégories:
fh,
hplusag,
frousses,
rousseurs,
inconnu,
jardin,
collection,
volupté,
init,
Auteur: Jeff, Source: Revebebe
... murmure-t-elle. Ça va aller…
Délicatement, elle fait demi-tour pour rejoindre le carton qui lui fait office de matelas de sol et rentre dans son sac encore plein de sa chaleur animale. Elle a marché légèrement courbée, à petits pas menus, posant ses pieds nus sur les dalles glacées et humides du quai.
— Faudrait mettre des chaussettes et un pantalon…
— J’en ai plus…
— Comment ?
— … ben les autres… ils me les ont volés, l’autre soir, avec mes grolles…
Voilà ce qui explique sa tenue, pour le moins légère… Tandis qu’elle retrouve son sac et son peu de chaleur, je l’aide à reprendre sa place.
— Je vais vous chercher de quoi vous vêtir… Vous bougez pas, hein !
Il y a des fois où l’on dit des choses bêtes, par automatisme. C’est sûr qu’elle ne va pas bouger… dans cette tenue : pieds nus, en string, fesses et jambes nues, où pourrait-elle bien aller ? En pressant le pas, je me précipite chez moi, retourne les placards de mes filles, farfouille dans leurs fringues d’hiver, celles qu’elles ne mettent plus. C’est fou ce que nos placards regorgent de choses inutiles et encombrantes qui ne nous servent plus, nous déplaisent et feraient tant plaisir à d’autres.
Muni d’un sac rempli de pantalons, de chaussettes, de collants de laine et de deux paires de chaussures, je reviens rapidement.
Elle est là. Elle n’a pas bougé.
Quand elle me voit revenir avec mon sac au bout du bras, elle sourit. Un vrai sourire. Un sourire à la vie, et même ses yeux s’éclairent. Soudain ...
... son visage semble moins blanc. Il me semble presque y déceler quelques remontées sanguines.
Je lui tends le sac dont elle s’empare avec cupidité tout en jetant autour d’elle quelques regards apeurés et suspicieux, avant de murmurer :
— Sympa…
C’est sa façon de dire merci. Alors que je vais détailler en quelques mots le contenu du sac, elle le pose à côté d’elle, et d’un geste de la main m’invite à m’asseoir sur un coin de carton.
Je m’installe en calant mon dos contre la voussure du pont, je me contorsionne pour extraire mon paquet de cigarettes et lui en propose une.
— Non… je fume pas… mais tu peux fumer…
Nouvelle surprise pour moi ! Une fille qui vit dans la rue et qui fume pas ! Décidément, le monde change plus vite que je ne le pense…
Les doigts déjà gourds, j’allume une cigarette.
— Ça fait longtemps que t’es dans la rue ?
— Qu’est-ce que ça peut bien te foutre !
Je ne relève pas et fais comme si je n’avais rien entendu.
— Et depuis quand on t’a volé tes fringues ?
— Trois jours…
— Pourquoi juste le pantalon et les chaussures ?
— Ben… t’es con ou quoi ?
— …
— À moitié nue, j’vais où ? Chez les flics ? T’es drôle, toi…
— C’est vrai, dis-je bêtement et en baissant la tête. Mais je comprends pas quand même…
— Ils ont voulu me punir…
— Te punir ?
— Ouais… parce que je voulais squatter un pont… Les vieux y voulaient pas… Ils me sont tombés à quatre dessus… Voilà, t’es content, tu sais tout !
Sans connaissance avec la Loi de la rue, ...